Extra-lucide
6.5
Extra-lucide

Album de Disiz (2012)

Le retour de l'extraordinaire inspecteur qui pète les plombs...

3 ans après son dernier album de rap, Disiz the End, l'ancien protégé de Joey Starr est de retour avec un 6ème album (Peter Punk étant un projet annexe du rappeur). Alors qu'il était parti suite à un rejet du rap de la fin des années 2000 (l'égotrip était alors au centre de la scène française), Disiz (n'étant plus la Peste) a annoncé son retour avec un EP en mars dernier : Lucide. Lucide sur l'évolution du rap français ? Est ce qu'en s'éloignant quelques temps il avait eut un déclic artistique qui allait permettre de nous pondre de nouveaux gros titres ? En tout cas, les 8 titres de l'album avaient laissé supposer que oui, l'inspecteur est de retour !
La pilule rouge (référence à Matrix et à Akira) symbole de l'EP Lucide s'est transformé en un cœur. Qu'annonce cette métamorphose ? Pour le savoir nous avons écouté pour vous l'album Extra-Lucide en version bonus de Disiz.


Après une intro qui laisse désirer le premier morceau et n'a presque aucun rapport avec lui, le premier titre de l'album, Combien de temps, commence. Et là, oui une évolution a eut lieu, plus grand public dans la forme mais avec un fond toujours aussi travaillé et détonateur, on retient rapidement et on aime. Après cette jolie surprise on a avec Everything un petit arrière-goût de Moïse (présent sur l'EP Lucide), malgré un air de déjà-vu, le beat nous amène dans une sorte de communion avec les paroles si intéressantes de Disiz. Il a tant à dire, sur la non-évolution du monde, sur la façon dont lui même amène sa vie. Après ça, Best Day remonte le niveau, certes, assez pop, pas très agressif, mais respirant l'amour, la paix et la fraternité, Disiz a grandi, plus de textes nihilistes, mais de l’espoir, la foi et la nostalgie, notamment à 2Pac que les amateurs apprécieront. Premier featuring de l'album aussi, avec la jolie voix de Autumn Row sur les refrains. Une jolie réussite qui peut surprendre à première vu. Un peu comme le morceau suivant, Pour l'homme, empli de mélancolie, on sent une énorme influence de la période Peter Punk, des passages chantés. L'instrumental est cependant magnifique, Disiz a sut bien s'entourer pour cet album.

Puis arrive Extra-Lucide, titre éponyme de l'album, surprenant qu'il n'arrive que maintenant, nous devons, je pense, le voir comme une révélation : les 5 pistes précédentes n'étaient qu'une longue introduction à l'album. Très surprenant aussi bien au niveau de la forme, de l'instru, du son, Extra-Lucide est cependant une bonne façon d'annoncer les thèmes de l'album : de l'amour, des références à soi-même, de la fraternité, de la mélancolie et un brin de cynisme. Disiz défend tellement les couleurs de son album qu'on est impatient d'écouter la suite. Tu brilles est une très bonne suite, à la fois avec un goût nostalgique mais aussi moderne, nous avons ici le renouveau de Disiz, mais peut être encore un peu sage. Puis arrive le remix de Toussa Toussa avec Mac Miller, un des gros titres du disque précédent. Incontestablement l'instru est vraiment bonne, même si je trouve que le remix n'est pas au niveau de l'original, il s'agit surement davantage d'une envie de Disiz de remettre ce morceau dans l'album tellement il est réussit. Et même en étant différent de l'original, il s'agit d'un des meilleurs morceau de l'album. Il y a si peu de featuring sur cet album, qu'on ne peut que les apprécier davantage, tant Disiz cherche à nous faire écouter de véritables invités talentueux. Si il y a un tube sur cet album, c'est bien Go Go Gadget, en featuring avec Orelsan, le thème, référence au célèbre dessin animé, touche toute la fameuse génération Y, mais surtout - et c'est à ça qu'on reconnaît un featuring réussit - les deux rappeurs sont au même niveau, Orelsan ne vole pas la vedette à Disiz et celui-ci ne prend pas le rappeur lillois pour un simple faire-valoir. Le texte, plus agressif que les précédents permet aux deux rappeurs de laisser aller leurs flows. Ca fait incroyablement plaisir d'entendre les deux stars du rap français laisser aller leur coté sombre, certes Orelsan est doué pour ça, mais vu l'aspect fraternel de Extra-Lucide, on avait bien besoin d'un coup de violence. Très mélancolique et traiter avec pudeur, Porté Disparu souffre d'être le morceau qui suit, la lenteur du rythme est cependant une bonne opposition à la vitesse de Go Go Gadget. Avec ce morceau sur l'amour, Disiz marque la fin de la première moitié de l'album.

Petite transition du nom d'Actarus, Disiz sait toucher les nostalgiques des années 1980. Ici il sait revenir à des textes plus agressifs, rappelle qu'il n'est pas qu'amour, mais que derrière sa douceur se cache une âme prête à en découdre. Mais alors, pourquoi Je les garde est un titre aussi doux, pourquoi est il aussi mielleux ? La nostalgie infantile de Disiz commence même à devenir énervante, est il atteint du syndrome de Peter Pan ? Apparemment il arrive bien à remonter la pente, Les Bienveillants qui fait référence à ses amis et sa famille a un thème bien mielleux certes, mais le traitement aussi bien musical que textuel permet de se relever d'un cadre trop fleur bleue. Disiz en profite pour tirer sur les fausses amitiés et définir ce qu'en est une vraie, une qui dure. Dans le milieu du hip-hop, il est de bonne figure de parler de sa team, de son crew, de ses proches, mais ce rappeur souhaite apporter une définition à ceux que sont ces gens, aux « vrais », ou en tout cas aux siens. Grand bien lui a pris, il nous évite tous les stéréotypes et créer un bon morceau. C'est ma Tournée est plus proche de ce que pouvait faire Disiz avant, loin d'être une critique il a sut y apporter un son plus actuel et un renouveau dans son flow et ses textes, une des bonnes surprises cachées de l'album. Au niveau instrumental, Fête foraine, est un des trois meilleurs titres de l'album, et au niveau des textes et du flow, c'est tout pareil. Les refrains sont calmes et posés, les couplets vindicatifs et osés, on en vient à se demander pourquoi ce morceau n'arrive que à la 15ème piste tant c'est une joie d'écouter cela. Dans la suite de morceaux bien réussi, Salauds d'Pauvres est un des textes les plus réussi, l'un des plus poignants, ça ne m'étonnerai pas si il s'agissait du prochain single de l'album. Les moyens du Bord a un beat assez simpliste et pourtant agréable, encore heureux tant le morceau en soi est ennuyeux et prévisible, Disiz se laisse aller au romantisme et à un message grand public pacifiste, ce morceau a t il été écrit pour être chanté par les Resto du cœurs ? Passons vite au morceau suivant, Fukushima est l'avenir du hip-hop désabusé du 21ème siècle. Certes, le morceau est simple, certes, le texte n'est pas aussi développé qu'il aurait put, mais quelques part on sent cet aspect « rappeur du 3ème millénaire » présent ici, oui le rap peut évoluer, comme l'humanité, malgré les erreurs monstrueuses du passé. Dernier vrai morceau de l'album, Life is good, est un appel à la vie, Disiz reconnaît les problèmes de l'existence, les tares de la race humaine mais il fait avec et lance un message d'espoir, ce dernier titre, plutôt réussi est donc à l'image de l'album : optimiste. Le dernier, Polyuréthane (Plastic Life) est désabusé, chasser le naturel, il revient au galop. Électronique, presque déshumanisant par moment, on peut se demander ce que Disiz voulait nous faire comprendre en terminant l'album ainsi …

Avant de donner une conclusion, écoutons le disque bonus, compris dans l'édition spéciale qui coûte un peu plus cher. On peut s'étonner de ce procédé pour un disque du retour, action commerciale ou témoignage pour les fans ? Le doute est là, pourtant à écouter le monologue de Disiz qui se justifie sur sa musique, sur ses choix, sur la vie qu'il a eut, son amour pour sa mère, ses amis, son public et son inspiration, on peut penser qu'il s'agit d'avantage de petites pistes que seuls les adeptes du rappeurs sauront apprécier. Cœur Gangster semble sorti de l'album Histoire extraordinaire, apparemment très commun comme morceau, il est assez puissant, le texte est tout en agressivité et cynisme. Elle t'a eu en featuring avec la chanteuse Ladéa parle de milles et une chose, ça part dans tous les sens et on a l'impression que Disiz, après une soirée à travailler en studio, a pris trop de café pour rester envahi et à plein d'idée en tête, assez amusant et frais comme morceau, ça tranche avec l'aspect amour sérieux de l'album. Dans le même genre de délire, on a le morceau enfantin Bullshiter, instrumentalement joviale et accompagné de chœurs d'enfants, là encore c'est une surprise qui tranche par rapport à l'album même. Plus sombre, Vide tourne davantage vers le nihilisme et le scepticisme. Sans être absolument nécessaire, ce disque bonus est un bon ajout, l'interview me semble nécessaire pour mieux comprendre le travail de Disiz. A l'inverse, les 4 pistes qui suivent sont un peu en décalage avec l'ensemble de l'album qui a été fait, davantage second degré ils sont cependant très agréables, et à mes yeux, mieux construit que la majorité de l'album même.


Il est l'heure du constat, et l'on risque d'avoir du mal à avoir un avis tranché sur la question d'Extra-Lucide. Plusieurs morceaux jouissent d'un travail d'orfèvres et respirent une progression de l'artiste (Combien de temps, Extra-Lucide, Salauds d'Pauvres), nous n'allons même pas parler des 3 featurings de l'album qui sont vraiment magique, Go Go Gadget semble déjà être le featuring de l'année 2012 ! Cependant à coté de ça, certains morceaux me semblent tellement dégoulinants de bons sentiments qu'ils en sont à faire fondre. Disiz est si nostalgique de l'enfance et si affectueux qu'il a de nouveau 8 ans. Regarder le passé peut avoir du bon à condition de continuer d'avancer et parfois, l'on a l'impression que le rappeur n'en a pas l'envie. Mais attention, la niaiserie est en réalité rare, présente certes, mais rare, c'est plus un amour fort, sincère et adulte qui émane de l'album. Disiz a grandi, il a mûrit en tant qu'homme, le fait d'être papa lui a donné un certain point de vue supplémentaire. Et si humainement on sent une très bonne évolution, l'évolution artistique ne va peut être pas être aussi bonne. Un album sympa, peut être un peu décevant pour un retour, surtout en comparaison de l'EP sorti avant. Il ne nous reste plus qu'à espérer que Disiz continue de jalonner son retour de brillants titres et de gros concerts sans qu'il perde pour autant l'étincelle qui le rend si unique.



Critique tiré du site RDM-Radio
http://www.rdm-radio.fr/article-le-magazine-extra-lucide-le-nouvel-album-de-disiz-111940378.html
mavhoc
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le 11 nov. 2012

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