Exuma
7.8
Exuma

Album de Exuma (1970)

"I see fire in the dead man's eye."

Pour expliquer l'attachement profond que j'ai pour cet album, il va me falloir faire une petite parenthèse autobiographique.

J'ai grandi dans ce qu'on pourrait communément appeler un coin "paumé sa race". Ne pas comprendre par là que j'étais à 3h de route de la moindre trace de civilisation, au contraire, j'étais relativement proche de la ville, mais, outre le fait qu'on était un hameau avec une petite vingtaine de maisons, il s'agissait d'un cul-de-sac, sans commerces, et surtout sans transport en commun. Paumé, quoi.
J'ai donc passé une GRANDE partie de mon enfance et de mon adolescence à traîner dans la forêt, et forcément, j'en ai conçu un attachement particulier pour la nature (ne vous inquiétez pas, je vous épargne le couplet écolo-moralisateur).

Exuma, ça vient des Bahamas.
Pas exactement le même genre de lieu que mes montagnes natales. Et pourtant, c'est l'un des rares disques où je retrouve cette proximité avec la nature qui fut mienne un temps (et qui aujourd'hui, je dois l'avouer a un peu disparue...).
Cette nature n'enveloppe pas le disque à la façon d'un Dieu tout puissant mais l'accompagne, se joint à elle tout en ayant sa propre vie et son propre fonctionnement. L'album commence par des aboiements de chiens, des grillons, des bruits de branche, la sensation d'écouter une musique faite au coin du feu est plus présente que jamais - et même le mixage très sec, un peu crade, imparfait, renforce cette impression.

Vous vous en doutez, la présence de cette nature est loin d'être un simple gimmick et s'avère même être d'une importance capitale dans l'atmosphère si particulière qui règne dans cet album. Parce que la musique est loin de dépareiller : mélange très particulier de folk, de musique des caraïbes et de soul, qui aborde entre autres les thèmes du zombie vaudou ou de divinités locales (Dambala est un serpent créateur de vie et symbole de la connaissance).
Les 7 pistes composent des atmosphères qui, d'une base commune (mixage sec, présence exacerbée des percussions, chœurs...) s'avère en fait d'une grande complémentarité : ici, une ambiance fiévreuse de, là, une piste tranquille, presque relaxante, ailleurs, des percussions festives... Le grand écart entre renouvellement et cohérence du projet est réalisé avec brio, même si à l'écoute passer de la transe habitée Mama Loi, Papa Loi à l'étrange Junkanoo peut rebuter.

Cette richesse se retrouve également dans les percussions utilisées : des sifflets, des bongos, d'obscurs instruments traditionnels, c'est assez inépuisable de ce côté-là, renforçant encore une fois le côté tribal du tout. On accompagne tout ceci avec une simple guitare et des chœurs un rien soul qui achèvent de donner à l'album cet aspect "transe païenne", et le tour est joué. Les ingrédients sont simples, le mélange dépasse l'entendement.

Ce n'est, bien évidemment, pas le seul album à mettre en scène une telle ambiance tribale : on peut citer, notamment, le très réputé "First Utterance" de Comus, ou bien Dr. John pour le côté vaudou. J'ai pour ma part une très nette préférence pour Exuma, et ce grâce à cette présence, comme je le disais, de tout un environnement aux alentours qui rend le tout diablement vivant. Seul regret, une compression abusive qui "écrase" véritablement le son lorsque survient une percussion trop envahissante (c'est notamment le cas sur Mama Loi, Papa Loi). Ça casse un peu l'immersion.

Mis à part ça, cet album est pour moi une aventure à part entière : on est perdu en forêt, et on chante.
Et bon sang, ça fait du bien.
KreepyKat
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 1970 en musique et Les meilleurs albums acoustiques et mélancoliques

Créée

le 17 mars 2014

Modifiée

le 18 mars 2014

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KreepyKat

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