Parmi les albums n'ayant pas trouvé leur public, One Hot Minute fait figure de maître-étalon. Il faut dire que les circonstances n'étaient clairement pas en sa faveur : successeur de l'acclamé Blood Sugar Sex Magic, il marque le début d'un tournant (ou plutôt d'une explosion en plein vol) de la part du groupe. Faisant le grand écart entre le mainstream et l'experimental, l'album divise la critique et déconcerte les fans de la première heure, sans pour autant accrocher un nouveau public. Il faut dire qu'entre les morceaux qui lorgnent vers le heavy, ses structures audacieuses et ses trips sonores (typiquement, la wah-wah sur Falling Into Grace), l'album a de quoi étonner au premier abord. Cette mutation a de nombreuses explications, entre la période qui est plutôt sombre pour le groupe et l'arrivée de Navarro.
Pour autant, le résultat est tout sauf prévisible. One Hot Minute est un album-funambule, qui menace de se casser la gueule à chaque instant, mais qui, par on ne sait quel miracle, tient debout avec fierté et arrogance. Si on y retrouve une touche funk-rock inhérente aux Red Hot, elle se retrouve noyée au milieu des riffs de guitare alambiqués, de la foule de détails sonores, bref, du pétage de câble quasi-constant que constitue l'oeuvre. Que ce soit l'ouverture (1 minute de sons étouffés, comme une mise sous pression avant l'explosion), l'immense creux au milieu de One Big Mob, ou le riff passé en boucle dans la chanson-titre, quasiment chaque élément (d)étonne dans cet opus, puis devient jouissif à force d'y revenir encore et encore.
Cependant, malgré son aspect pour le moins unique, One Hot Minute n'est pas si difficile d'accès : les hits Aeroplane et My Friends sont là pour en témoigner. La plus grande force de cet album est d'alterner entre riffs diablement accrocheurs et magma sonore inidentifiable, voire de les superposer avec brio. Les paroles quant à elles explorent des sujets plus sombres qu'à l'accoutumée, et si elles restent le gros point faible du groupe, elles ne sont en aucun cas un handicap pour apprécier l'album, voire même sont plutôt plaisantes (je me prends parfois à fredonner celles de Aeroplane, par exemple). Ca reste cependant d'un niveau anecdotique comparé à l'immense travail sonore que constituent ces 13 chansons.
Par la suite, la carrière des Red Hot connaîtra une deuxième jeunesse en évoluant vers du pop-rock bien plus conventionnel, et rencontrant par là-même un immense succès populaire, mais se mettant à dos une bonne partie de la critique (et, pour le coup, j'avoue être du même avis). One Hot Minute fait donc clairement figure de cas isolé dans une carrière partagée en 2 parties distinctes, un album à l'histoire bien singulière, et rayonnant d'autant plus.