Les Yo La Tengo sont parmi les artisans les plus précieux et honnêtes du rock indépendant. Intègres comme jamais, régulier dans leurs sorties et doté d’une longévité impressionnante (ils existent depuis 1984). Mais le plus appréciable chez eux, c’est bien entendu leur discographie de qualité. Ce trio Américain n’a jamais composé le moindre mauvais disque (au pire, leur moins bon est moyen).
Sans jamais reculer, Yo La Tengo a continué sa carrière en ignorant les modes et en continuant de creuser son propre sillon. Le définir est d’ailleurs ardu. Ils sont à la fois originaux et passe partout. Car leur force est de reprendre différents styles de musique pour les absorber et leur donner leur propre patte.
Folk, noise rock, shoegaze, dream pop, slowcore… Yo La Tengo est une éponge et fait passer à la moulinette des dizaines de genres pour se les réapproprier avec talent. Des caméléons de l’indé, tout comme peut l’être David Bowie.
Pourtant, pourtant… Ce disque pourrait me faire mentir. Les 3 Ricains ont beau avoir déjà sorti leurs chef d’œuvres, ils ont su délivrer plusieurs actes de bravoure par la suite et ce Fade arrive comme un cheveu dans la soupe après le remarquable Popular Songs.
Le début de l’album est pourtant prometteur, pas renversant mais agréable. Les chœurs soyeux de Georgia Hubley et d'Ira Kaplan flottent au-dessus d’une rythmique tranquille et le morceau se conclut avec un sympathique solo de guitare noisy. « Is that Enough » continue sur cette bonne lancée puisqu’elle est encore meilleure. Les voix sont cette fois-ci soutenues par des cordes et rappellent l’ouverture grandiose du précédent album. Une bonne chanson donc et tout baigne pour le moment.
Le souci, c’est que c’est le meilleur moment de l’album.
Fade s’enlise rapidement dans des titres aux inspirations folk qui peinent à développer des mélodies fortes ou des ambiances intenses. Car son problème, c’est bien sa mollesse. Le songwriting étant très en deçà de leur niveau habituel, le disque finit par se transformer en une simple bande son pour faire la sieste (« I'll Be Around » et « Two Trains » sont une belle ode au valium).
L’échec que représente Fade est cependant difficilement compréhensible. Yo La Tengo sont des grands mélodistes et ont déjà composés des albums introspectifs et très calmes particulièrement réussis.
Il faudra attendre le dernier morceau « Before We Run », pour se réveiller. Même si encore, le groupe n’appuie pas trop sur l’accélérateur et peine à convaincre totalement.
Mais peut-on en vouloir à Yo La Tengo d’avoir un coup de fatigue ? C’est bien leur unique coup de mou depuis leurs débuts et comme ils sont honnêtes, ils font même l’effort de nous prévenir avant l’écoute. Allons, ne me faites pas croire que ce titre d’album est anodin. Fade en Anglais, cela veut dire s’estomper. Tout comme les mélodies de cet album qui s’oublient une fois les chansons finies. Et fade en Français cela veut dire… Ben fade.
J’espère que leur prochain disque s’appellera Let’s go to the rock and roll.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.