Le groupe canadien Blasphemy est sans doute un des seuls qui mériterait l’étiquette "true black metal", bien qu’ils ne soient habituellement pas associés à cette « scène ».
En effet, depuis le début des années quatre-vingt, ils ont gardé intact leur foi en l’art le plus noir qui soit et sont restés fidèles à une musique primitive sans manifester à aucun moment une propension à l’évolution.

Leur histoire débute en 1984 à Victoria, en Colombie Britannique. Deux ados, Gerry Joseph Buhl et Sean Stone, développent un goût prononcé pour le metal extrême en découvrant (toujours les mêmes) Sodom, Hellhammer et Bathory. Ils recrutent un pote, Geoff Drakes, au poste de guitariste ; pote qui a la particularité d’être noir, fait rarissime (plus que la présence d’une femme) dans un groupe de metal extrême.
Après avoir hésité entre plusieurs patronymes, tels Antichrist (gardé par une autre bande de potes), Desaster, Thrash Hammer, c’est finalement Blasphemy qui reste avec l’arrivée d’un quatrième membre en la personne de Blake Cromwell au poste de batteur.
Ils optent également pour des pseudonymes particulièrement stylés : Nocturnal Desecrator And Black Winds, Three Black Hearts Of Damnation And Impurity, Caller Of The Storms et Black Priest Of The Seven Satanic Blood Rituals. Plus que de simples noms ronflants, ces surnoms émanent avant tout de leur fascination pour l’occulte et les rituels impies auxquels ils se livrent dans le fameux cimetière de Ross Bay ; un des lieux sataniques les plus célèbres du monde, en partie grâce à Blasphemy. Il y a tout un tas d’anecdotes croustillantes sur ce lieu maléfique, décrit un peu comme une porte vers l’Enfer.

Par ailleurs, les membres de Blasphemy cumulent pas mal de problèmes avec la justice, ses membres étant incarcérés les uns après les autres ; des bagarres ont régulièrement lieu durant leurs concerts, ce qui leur vaut d’être interdits dans la plupart des salles. Une aura de violence flotte autour d’eux en permanence. Leurs shows sont d’ailleurs décrits comme particulièrement chaotiques, les membres du groupe étant armés jusqu’aux dents et entourés de cierges et pierres tombales volées dans des cimetières ; le terme utilisé de « War Metal » convient dès lors parfaitement à cette bande de tarés en croisade contre le christianisme.

Leur première démo, Blood Upon The Altar (1989), est d’ailleurs chaudement accueillie à l’époque et s’est depuis vendue comme des petits pains à travers le monde, eh oui ! En tout cas, un label est rapidement intéressé pour signer le groupe : Wild Rags, un magasin de disques et de fringues basé en Californie.
Ils enregistrent donc leur premier album Fallen Angel Of Doom, au même endroit que la démo (le Fiasco Bros. Studio) ; le résultat n’est cependant pas à la hauteur de leurs espérances, comme le dit Black Winds : "tout sonnait apparemment bien avant le pressage, et au final on n’entend pas trop les riffs de guitare". Ce qui n’empêche pas l’album de se vendre très bien, plus de 4.500 exemplaires rien qu’en Europe. Par contre, le groupe se fait complètement entuber par son label crapuleux qui ne leur reverse pas l’intégralité des royalties ; le label a d’ailleurs été fermé quelques années plus tard, c’est pourquoi les copies Wild Rags originales se vendent désormais à prix démesuré…
Ce disque, c’est juste une des incarnations les plus effrayantes du Mal, de la haine de l’humanité, de la bestialité et un modèle de régression pour les générations extrêmes à venir. Entre l’intro malsaine au possible aux hurlements démoniaques, en passant par le son brouillon, les riffs qui tronçonnent dans un brouhaha souvent indistinct, les rythmiques à la régularité très approximative, il y règne un climat complètement chaotique qui évoque l’Hadès dans sa représentation la plus repoussante qui soit ; on a vraiment l’impression d’avoir une horde de démons dans les enceintes, prête à déferler sur nous dans l’instant. Rarement autant de haine n’a été canalisée sur une seule galette. Ce disque, c’est le black metal dans ce qu’il a de plus laid et pernicieux.

Un culte va se former autour de Blasphemy et ce premier album, rassemblant les fanatiques autour des enseignes Ross Bay Cult et Black Metal Skinheads (appellation qui n’a jamais rien eu de politique).
L’album suivant, Gods Of War, qui ne sort que trois ans plus tard, voit un Blasphemy toujours aussi belliqueux mais moins possédé et satanique que son prédécesseur. Le groupe s’embarque par la suite dans le "Fuck Christ Tour", une tournée européenne en compagnie d’Immortal et Rotting Christ, que l’on décrit comme la première tournée de la seconde vague black metal.

Malgré les nombreux problèmes au sein du groupe, Blasphemy est encore debout aujourd’hui et continue de jouer sur scène (notamment au fameux Nuclear War Now! Fest) avec Ryan Förster de Conqueror en deuxième guitariste, qui a adopté le pseudonyme de Deathlörd Of Abomination And War Apocalypse.
Un groupe emblématique du penchant le plus bestial et extrême du black metal, autant musicalement que dans l’imagerie. Une attitude qui leur vaut d’être adulés par des formations pour qui la régression est la seule voie possible. Fallen Angel Of Doom est certainement leur chef-d’œuvre en ce qu’il reflète parfaitement le concept dans son intégralité.

« Gerry n’était sans doute pas le tape trader le plus acharné dans les années quatre-vingt, mais il m’a toujours envoyé des super albums et donné d’excellents contacts. Je remercie donc Black Winds, Blasphemy et Michelle Remembers (ndlr : ouvrage de rituels sataniques) pour l’inspiration durant mon périple musical. Je crois en Blasphemy. » Nuclear Holocausto (Beherit).
Man_Gaut
9
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le 5 oct. 2014

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Man Gaut

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