Après l'échec commercial d'Awake et la grandiose parenthèse A Change of Seasons, les new yorkais décident (à peine contraints par leur maison de disque, Elektra) d'opérer un virage à 180°.
Les compositions sombres et difficiles d'accès laissent place à une musique plus lumineuse, à des refrains plus accrocheurs. Les morceaux sont plus courts, le cas extrême étant Burning my Soul, amputé par le producteur de ce qui deviendra Hell's Kitchen et qui était à l'origine un pont placé au milieu de la chanson. L'objectif ultime étant de pouvoir passer à la radio.
Que ce soit clair, je n'ai rien a priori contre la pop et le radio-friendly, mais certaines chansons de l'album manquent tout simplement d'inspiration et se révèlent peu convaincantes, ou pas forcément abouties, comme si le groupe n'y avait pas mis tout son cœur. C'est le cas par exemple de You Not Me ou de Ana Lee.
Il y a toutefois quelques belles réussites pop (voire pas si pop que ça), comme la perturbante Peruvian Skies ou encore Hollow Years, titre onirique où John Petrucci montre qu'il se débrouille très bien avec une guitare acoustique et dont il faut absolument entendre l'interprétation Live at Budokan avant de dire que la musique de Dream Theater se résume à de la technique dépourvue d'émotions.
Mais bien sûr, le groupe ne délaisse pas totalement son identité prog et nous livre quelques chansons aux structures un peu plus complexes comme New Millenium, Lines in the Sand (qui personnellement me laissent un peu sur la touche) et surtout Trial of Tears.
On l'aura compris, j'ai au final beaucoup de mal à aimer cet album mais il faut lui accorder quelques mérites majeurs, dont le moindre n'est pas la pochette signée Storm Thorgerson.
D'abord, le groupe, en cherchant à devenir écoutable, commence à définir un son un peu plus agréable, moins kitsch, plus cohérent, qui servira de base pour les albums suivants, beaucoup plus progressifs. James LaBrie notamment trouve ses marques et montre qu'il a une belle voix quand il ne cherche pas à en faire des caisses.
C'est aussi après cet album, qui échouera dans ses buts et se révèlera encore moins rentable commercialement, que Dream Theater réussira à négocier une complète liberté de composition pour les albums suivants.
Surtout, c'est au cours des sessions de compositions de l'album, difficiles du fait de la remise en question du style du groupe mais assez prolifiques puisque le groupe finira par proposer au producteur de quoi faire un double-album (bien sûr, la maison de disques refusera : trop de risques, trop coûteux), que commence à prendre forme ce qui n'est alors que Metropolis Part 2, une simple chanson un peu ambitieuse, et qui évoluera après la sortie de l'album pour devenir le chef d'oeuvre qu'on connait.