On croyait Chokebore six pieds sous terre depuis une petite dizaine d’années. Mais le combo n’était en fait que dans un coma profond : avec Falls Best EP le voilà qui sort de son sommeil et se rappelle à notre bon souvenir avec son grunge qui traîne la patte, plus blessé et déglingué que jamais.
Il faut dire que Chokebore n’a jamais semblé en parfaite santé : voix plaintive, guitares sales et mal dégrossies, rythmique proche de l’infarctus… Quand le groupe nous a laissé sur le carreau c’était son corps entier qui semblait demander qu’on le débranche. La logique a suivi son cours. Alors pourquoi le réanimer aujourd’hui sous une forme identique avec ce Falls Best EP ? Un premier élément de réponse se trouve peut-être dans la première phrase déclamée par Troy Von Balthazar, le chanteur : « I’ll never give you my heart, I’m using it ». Le cœur battait donc encore, seul le corps était à bout de course. Finalement rien d’étonnant : Troy Von Balthazar n’a jamais semblé anéanti par la fin de Chokebore, son dernier album de folk, How to live on Nothing (2010), superbe, en est la meilleure preuve. Il fallait donc simplement remettre le corps en état de marche. Et quoi de mieux pour cela que de bonnes décharges électriques ?
Le premier électrochoc c’est peut-être bien un nombre : 2011, ce sont les vingt ans de la sortie de Nevermind, l’occasion de se souvenir que les quatre ont fait en leur temps les premières parties de Nirvana. Et comme la nostalgie n’est pas le dernier des sentiments dont est atteinte la musique de Chokebore, on ne peut s’empêcher d’y penser. Et puis il y a peut-être aussi le problème d’argent de Troy Von Balthazar, auquel le titre de son dernier album solo fait écho. Bien sûr cela peut sembler être un argument vulgaire, mais vu l’état de l’industrie musicale, pas loin de passer l’arme à gauche (mais elle, qui la voudra la réanimer ?) on pourrait très bien comprendre. Un nouveau disque, c’est synonyme de dates de concert, c’est à dire aujourd’hui pour les artistes, le nerf de la guerre.
En tout cas, « bonne » ou « mauvaise » excuse, on s’en moque. Car Falls Best EP, malgré ses cinq titres très courts, porte en lui une flamme, vacillante certes (quinze minutes de musique, c’est tellement peu), mais une flamme suffisamment tenace pour convaincre n’importe quel romantique torturé de vouloir monter un groupe de rock. Et n’est-ce pas l’un des plus beaux cadeaux que l’on peut faire à son public quand l’on joue une musique aussi joliment simple et évidente ?