En 2009, ce charmant groupe avait publié l'album pop le plus beau de l'année. Et voilà qu'avec la sortie de cette nouvelle galette, modestement nommée Father, Son, Holy Ghost, Girls semble bien être partit pour nous refaire le même coup...
Représentants flamboyants d'une nouvelle génération qui préfère les ritournelles mélodiques des Beach Boys au hard-rock plombé, le duo en provenance de San Francisco avait donc impressionné il y a de cela deux ans. Un album varié, à la production vintage et aérienne, au songwriting aiguisé, couvrant toutes les influences conformes au bon goût rock'n'roll (Jesus & Mary Chain, Shangri-La's, Beach Boys, Pavement,...) et qui était parvenu à encourager leurs brillants collègues à poursuivre leurs efforts (Morning Benders, Wavves, Best Coast, etc...).
Il y eut un EP de très bonne facture en 2010 ("Broken Dreams Club"), et voilà Christopher Owens et Chet Jr. White de retour avec cet album au titre pompeux. Et ce qu'on perçoit très vite à l'écoute du disque c'est qu'Owens, le grand blond junkie au micro, principal compositeur du groupe, qui ressemble à un ado skater sortit tout droit des années 90, est sévèrement plus déprimé qu'en 2009, et un peu plus qu'en 2010. Séparation amoureuse et remises en causes existentialistes sont donc au menu. Heureusement, Owens a l'intelligence de ne pas faire de cet album une longue plainte dépressive, et on ressent une honnêteté profonde dans son écriture, rendant ce jeune homme éminemment sympathique. Des notes d'espoir sont adroitement distillées tout au long des chansons, et le groupe oscille entre ballade pop on ne peut plus classique, à la Randy Newman comme le dit Owens, et réveils rock salvateurs.
Girls sait donc produire des grandes ballades comme on en faisait dans les années 50, excusez du peu mais ce n'est plus très courant... Evidemment certains n'y voient qu'un ramassis de mièvreries, et tant pis pour eux a-t-on envie de dire... Le songwriting d'Owens est comme un vieil art oublié, un savoir-faire ancestral qui n'aura survécu qu'à travers le talent de quelques génies, celui de ce garçon en tête.
Dans My Ma par exemple, Owens donne tout ce qu'il a... Ce type de parole a été entendu 10 000 fois, ça pourrait être d'un cliché infernal, sans aucune originalité, pourtant le groupe nous touche droit au coeur avec cette complainte traversée d'un solo de guitare épique, comme on savait en faire dans les années 60:
"Oh God, I'm tired. And my heart is broken. It's so hard to feel so alone. And so far away, so far away from home. And you're my Ma'."
Pas le temps de s’apitoyer bien longtemps, puisqu'avec des titres comme Die, Girls rappelle à tout le monde qu'ils sont parfaitement capables d'une belle violence rock'n'roll, à la limite du stoner ici en l’occurrence...
Avec des choses comme Love Like A River, on retrouve l'influence sublime des meilleurs girls-group et des plus grands soul men (Supremes, Ronettes, Redding, Burke,...). Dans cette catégorie et dans le monde d'aujourd'hui, ils sont les seuls rivaux valables à Cults, spécialistes reconnus en la matière.
Et alors que des complaintes acoustiques comme Jamie Marie finissent d'émerveiller les âmes sensibles, on obtient de parfaites chansons de rock indé mélodique, dans la lignée des meilleurs Pavement avec "Alex" (haaa ces arpèges divins!), ou évoquant Weezer, Teenage Fanclub et les Pixies sous leurs jours les plus radieux avec "Honey Bunny", tube en puissance.
En résumé, un album pop mélodique sublime, au songwriting ouvragé, d'une diversité admirable et d'une honnêteté profondément touchante... Que demander de plus? L'un des tout meilleurs albums de 2011.