Au sujet du dernier album de Girls, on peut lire, entre autres, que ce groupe californien porte le meilleur nom de l’histoire de la pop. Ce qui n’est pas complètement faux. Girls, les filles, et puis c’est tout. De ces cinq lettres se dessine une arborescence gigantesque d’images et de mots. L’amour, la beauté, la rivalité, la fragilité. Girls appelle, par son nom, une forme d’universalité, on pourrait même dire une vérité, ou plus vulgairement, une définition des « filles » en musique. Et ça tombe bien, quoi de plus universel que la pop ? Malheureusement, jamais Christopher Owens et son groupe ne touchent du doigt le programme qu’ils laissent espérer.
Ça peut sembler un peu dingue de se retrouver coincé comme ça par un simple nom, par l’imaginaire qu’il provoque. Mais dès lors qu’on aime les filles, ce qu’on attend d’un groupe qui s’appelle Girls est tellement fort, tellement puissant ! On ne peut pas se contenter de belles harmonies, de gentilles mélodies, de compositions seulement correctes. Il manque la beauté, il manque la frustration, les vibrations, une foultitude de sentiments que provoquent les filles chez les garçons. Dans ce qu’ils ont de plus vrai, dans leur spontanéité la plus totale. On ne peut pas se contenter de « my heart is broken and it’s so hard to feel alone ». Parce que c’est vulgaire, que c’est ce qu’on a déjà entendu mille fois, et qu’on ne veut pas l’entendre de la part d’un groupe qui s’appelle Girls. On veut de l’universalité, pas de la banalité, aussi jolie soit-elle.
Reconnaissons tout de même que Father, Son, Holy ghost est un disque de tempéraments. Mais cela ne signifie malheureusement pas qu’il est personnel. Christopher Owens touche à pas mal de choses, il fait des soli (pas mal), gratte quelques arpèges (pas mal), sort un orgue Hammond par-ci, un riff un peu sale par-là. Et puis c’est vrai qu’il chante bien. Mais on ne peut pas croire corps et âme à des compositions qui ne révèlent rien d’autre qu’un petit talent de songwriting, comme l’ont certainement des milliers d’autres garçons qui n’ont pas eu la chance de croiser Ariel Pink pour démarrer leur carrière. Ce n’est pas un réquisitoire contre le clientélisme ou le jeu des relations en musique. D’autres, avec le même talent modéré, y ont eu droit, et on ne leur en veut pas. Mais ils n’ont pas appelé leur groupe Girls.