Third Eye
En un sens, je suis heureux d’avoir connu TOOL tardivement : l’attente aura été moins longue pour moi que pour les autres ! Pour autant, il m’a fallut m’armer de patience (8 ans, ce n’est pas rien)...
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le 30 août 2019
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Après treize ans d’une “pause” qui n’a pas manqué de s’éterniser, la (très dévouée) fanbase de Tool a vu naître une frange minoritaire de pessimistes qui aurait certainement préféré que de suite il n’y ait jamais, et une autre plus inconditionnelle, prête à remettre le couvert sans mégoter. Mais on ne fait pas languir son monde treize années sans susciter quoi qu’il en soit des attentes - ou des craintes - décuplées. Car à quoi bon revenir si tard sans de nouveaux arguments ?
Or, c’est là tout le problème d’un début d’album qui exécute des figures imposées, certes maîtrisées à la perfection, mais qu’on jurerait être des variations d’anciens morceaux, dopées aux cabrioles rythmiques. Le titre éponyme qui officie en ouverture renvoie notamment à “Reflection” et quand “Pneuma” lui emboîte le pas, on a le sentiment troublant que Tool nous rejoue “Schism” (ou, plus flagrant encore, “The Patient”) en forçant ses effets. Plus de vingt minutes se sont déjà écoulées, sans un début de frisson. Entre ennui poli et embarras, on craint même alors d’être en présence d’une redite surjouée, à qui il restera toutefois les bases géniales d’un groupe trop singulier et accompli pour tout à fait rater son coup.
Mais heureusement, la suite montre des velléités de démarcation plus sensibles, donnant enfin un simili-cachet à un album dont on craignait qu’il en soit totalement dépourvu, jusqu’à cette pochette noirâtre qui aurait pu être celle de n’importe lequel de leurs précédents efforts. Encore rien de très surprenant, mais à tout le moins lève-t-on enfin un sourcil dès l’arpège introductif de “Invincible” tout simplement parce qu’on ne l’avait pas déjà entendu. Puis, à mesure que l’on cesse de chercher à quel(s) ancien(s) morceau(x) ce que nous sommes en train d’écouter nous fait penser, on se laisse enfin transporter par la magie Tool : des contrastes saisissants d’intensité, des enchevêtrements rythmiques savants et des riffs aussi acérés que puissants, au service de longues pièces labyrinthiques excédant systématiquement les dix minutes. Et à ce petit jeu, c’est certainement le titre de clôture, le gargantuesque “7empest” (15 minutes et 44 secondes au compteur), qui impressionne le plus. C’est hélas aussi un des légitimes bémols que se traîne le disque : il perd en spontanéité ce qu’il investit en complexité - une complexité d’ailleurs parfois un brin démonstrative - moyennant même quelques longueurs. Comme par ailleurs, Maynard James Keenan chante clairement à l’économie, refusant les poussées vocales éprouvantes qui, semble-t-il nous dire, ne sont plus de son âge, Tool se mue parfois en une curieuse formation instrumentale. Danny Carey, plus sollicité que jamais, s’en donne à cœur joie avec des parties de batterie lunaires tandis qu’Adam Jones s’aventure même à exécuter des solos de guitare moins minimalistes que d’ordinaire.
Si la formule ne manquera pas de s’attirer les éloges de la plupart des Tool-maniaques, certainement le groupe a-t-il perdu de vue qu’il savait écrire des chansons plus denses et concentrées, moins tartinées de figures acrobatiques dispensables, et finalement moins périssables. Seul le très réussi “Culling Voices” semble assumer une (toute relative) modestie, dans une veine plus doucereuse. C’était un des plus grands mérites de “10 000 Days” - leur album précédent - qui opérait à la fois un tour de force stylistique et distillait une leçon d’efficacité mélodico-rythmique, sans rouler de mécaniques outre mesure. Cette fois, comme pour justifier ces treize années de silence, le groupe s’est senti obligé d’en faire beaucoup. Peut-être un peu trop. On prend, parce que c’est Tool et que ça ne se refuse pas. Mais dans la voie de la surenchère formelle, mieux vaut en rester là et nous éviter l’album où les morceaux feront 25 minutes, sans nous en dire plus pour autant.
Créée
le 16 févr. 2021
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