Ça y est. La bible de la musique indie, le guide Michelin de l'alternatif, vient de mettre un 10 à cet album.
Un 10 sur Pitchfork est un événement si rare qu'il agit comme un petit tsunami dans le monde de la critique musicale. En gros, ça veut dire que pour eux, "Fetch The Bolt Cutters" est quasiment le meilleur album des 10 dernières années. A titre d'exemple, le dernier 10 attribué à un disque à sa sortie par Pitchfork datait du My Beautiful Dark Twisted Fantasy de Kanye West, sorti... en 2010.
Alléché par cette note parfaite et cette critique dithyrambique qui allait avec, je m'attelle donc sans attendre à l'écoute de ce chef-d'œuvre absolu annoncé. Quelle déception!
Alors que I Want You To Love, le titre d'ouverture, démarre bien, notre chère Fiona Apple décide d'étirer sans raison apparente son "Youuuuuuuuuuuuuuuuuu" jusqu'à plus de souffle. Pourquoi elle fait ça? Qu'est-ce qui lui prend?
Et que dire des consternants petits bruits de gorge à la fin du morceau qui évoquent avec force le rouge-gorge épileptique. Pourquoi tant de haine?
Shameika paraît durer une éternité alors que la chanson dépasse à peine la marque des 4 minutes au compteur. La catchphrase "Shameika said I had potential" répétée ad nauseam n'aide pas.
Un titre éponyme intéressant mais fouillis nous fait retrouver la foi temporairement.
Avec Under Table, on semble enfin tenir un morceau intéressant. Ça y est? Apple semble enfin ne pas sacrifier sa chanson aux expérimentations et gimmicks pénibles. Mais cette tenace habitude de répéter jusqu'à l'épuisement un refrain peu mélodique la reprend irrémédiablement en milieu de chanson.
Relay, intéressant, avec des idées, commence comme de coutume plutôt bien, avant de se perdre dans des hululements insupportables.
Cet espèce de gimmick pseudo-chamanique de répétition frénétique lasse dès le deuxième titre, pourtant Fiona Apple décide de nous en gratifier sur quasiment chaque morceau.
Rack of His, l'un des plus beaux titres, ne pouvait évidemment pas se passer sans accroc: notre chamanesse décide de hurler inutilement à 1:37.
Tout l'album est comme ça: ça fourmille d'idées, ça commence bien, on sent qu'il y a du potentiel, et puis on gâche tout avec des expérimentations foireuses et auto-indulgentes dont les snobs n'auront de cesse de se gargariser en se donnant des airs intelligents. Les mélodies ne semblent pas finies et les petites excentricités de la dame Apple s'apparentent plus à des cache-misère mélodiques qu'autre chose.
Newspaper est interminable et pénible.
Ladies et Heavy Baloon sont plus séduisantes et parviennent à garder sous contrôle les bizarreries de la musicienne, nous laissant espérer une belle fin d'album.
Les incantations chamaniques reprennent malheureusement sur Cosmonauts ("STARTED OFF, STARTED OFF, STARTED OFF, STARTED OFF, STARTED OFF !!!" - quelle purge !), qui avait pourtant un beau potentiel.
For Her fait office d'interlude a-capella amusant, nous menant sur le très bon Drumset, peut-être l'un des meilleurs morceaux de l'album, évidemment gâché (on ne pouvait pas s'en sortir si facilement) par les répétitions frénétiques et hurlantes du refrain.
Le tout se conclue sur l'anecdotique On I Go, nous laissant un goût forcément amer dans la bouche: celui d'un potentiel gâché. Comme le disait Shameika dans sa chanson, Fiona a du potentiel. Certes. Mais si elle ne s'escrimait pas à pourrir allègrement ses compositions, ce potentiel pourrait peut-être s'exprimer davantage au grand jour.