Fever
7.1
Fever

Album de Balthazar (2019)

Cohen on the dance floor ? Et encore ?

Depuis le temps qu'on vous dit que la Belgique abrite une bonne partie des groupes de rock les plus intéressants de ces 20 dernières années, et que vous nous ignorez, il y a quand même peu de chance que la parution de ce quatrième album de Balthazar, groupe de Courtrai, change quelque chose à votre entêtement à vouloir passer à côté d'une musique aussi profondément satisfaisante. Alors, abordons le problème par une autre face : depuis combien de temps n'avez-vous pas écouté un album qui plaise en même temps à votre tendre moitié, à votre maman et même à vos enfants, pourtant rebelles aux guitares qui ont tant signifié pour vous naguère ? Un disque tellement réussi et universel qu'il peut fédérer les fans des Black Keys, de Leonard Cohen, voire des Stranglers de l'époque de "Feline" ? Ah, vous dressez l'oreille ? Vous êtes surpris ? Sceptique ? Tenté ?


Allez, on se lance avec "Fever", long morceau à la fois ambitieux, planant, suave - comme on disait à une époque - mais supporté par une mélodie immédiatement accrocheuse, et une montée en puissance assez irrésistible, tout en évitant toute la pesanteur lyrique typique du genre... Pas encore convaincus ? Laissez "Changes" vous emmenez tout en douceur sur le dance-floor, où vous pourrez vous trémousser "intelligent" sans craindre le ridicule : le genre de titre qui fait dire à à peu près tout le monde "Ah, oui ! Là, je vois !". Et ça continue comme ça dans une ambiance à la fois retenue, un tantinet lugubre, et pourtant festive : oui, c'est possible ! Il suffit de pousser un cran plus loin l'intuition de Cohen sur ses derniers albums, demander à un groove vaguement ironique, légèrement distancié, de supporter des chansons à l'humeur passablement sérieuse, voire noire...


On connaît des gens qui se satisfaisent de cette première partie de "Fever", qu'ils jugent - à juste titre, irrésistible. Ils ont tort, car ce qui suit est encore meilleur, et touche à la grandeur : "Phone Number" pousse encore un cran plus loin les citations vocales du vieux Len, et joue même avec les mots avec une malice qui rappelle le vieux poète coquin : "Oh, I remember how I came to you / You said I could go fuck myself / And that's when I knew I wanted you to", le tout sur une mélodie belle à pleurer. Ou encore "Grapefruit", élégant sommet de cet album qui n'en manque pourtant pas, qui combine à la perfection cordes puissantes et refrain presque joyeux. Ou encore...


... Oh, et puis, on en a assez dit : si vous n'avez pas encore compris, vous ne comprendrez jamais. Cette belle complexité dans la construction des chansons et l'assemblage des sons, qui se semble se réduire finalement à la sobre combinaison d'une magnifique voix grave et d'une basse élastique, n'est-ce pas une forme de magie, finalement ? Une musique à la fois discrète et toute en retenue, qui offre néanmoins à de plusieurs reprises un sentiment d'épanchement sentimental irrépressible. Une musique parfaitement évidente, mais jamais superficielle. Des chansons profondes qui restent ludiques.


La fièvre de Balthazar nous a gagnés, et en cet hiver de grippe agressive, c'est bien la meilleure chose qui pouvait nous arriver. Vive la Belgique ! Vive le Rock universel !


[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/02/06/white-spirit-une-bd-originale-signee-dedo-et-weldohnson/

Créée

le 4 févr. 2019

Critique lue 856 fois

22 j'aime

10 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 856 fois

22
10

D'autres avis sur Fever

Fever
BenoitRichard
8

Critique de Fever par Ben Ric

Il est temps de dire deux mots sur l’un des plus fameux albums de Pop ce début d’année 2019. Il est signé du meilleur groupe Belge en exercice : Balthazar. Une performance qui dure depuis bientôt 10...

le 17 févr. 2019

2 j'aime

Fever
ViragoSNathan
8

"Un quatrième album marquant une évolution nette mais ne désavouant rien de ce que Balthazar avait c

Après l’agréable Applause, le très bon Rats et l’excellent Thin Walls, la route de Balthazar parsemée par les détours personnels et les départs se poursuit en ce début d’année avec Fever. Un retour...

le 24 juin 2019

1 j'aime

Fever
YasujiroRilke
7

Critique de Fever par Yasujirô Rilke

Porté par un véritable entrain, communicatif grâce à la diversité des sons, aussi inspirés les uns que les autres, cette découverte et un vent d'air chaud qui fait pourtant du bien à l'échine, en...

le 19 juil. 2019

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25