Foreverland :
Plus de 5 ans se sont écoulés depuis son dernier (et excellent) album, et il faut bien admettre que se replonger dans les délires vaguement rétros et farfelus de Neil Hannon nécessite une petite reprogrammation de notre cerveau : les premières écoutes de "Foreverland" déçoivent un peu, comme si l'on avait affaire à une sorte de parodie un peu usée de The Divine Comedy, tous les curseurs étant poussés cette fois dans le rouge de la "fantaisie passéiste" la plus outrancière : des photos hilarantes de la pochette aux titres des chansons, il est clair ici que Hannon a définitivement baissé les bras devant la laideur de notre époque, et a décidé de chanter un monde disparu, voire imaginaire (ce fameux "Foreverland"), celui des opérettes Mitteleuropa de Lubitsch mettant en scène Napoléon ou la Grande Catherine de Russie, ou encore les coeurs brisés de la Légion Étrangère... Brillant - ces mélodies, mon dieu, ces mélodies ! - et délibérément superficiel, Hannon ne semble jouer ici que pour ses fans habituels, tant il est hautement improbable qu'un album aussi radicalement kitsch et artificiel - sans doute inécoutable pour 99% des moins de 25 ans aujourd'hui - lui vaille le moindre succès ! Oui, il y a bien au début un effet de déception devant ce parti pris de sourire de tout, Hannon ne nous offrant ici aucune grande chanson dramatique et existentielle comme il en a l'habitude, coupant même brutalement les effusions romantiques qui pourraient pointer leur nez : dans "Foreverland, entre valse viennoise et braiements d'un âne abandonné, seules la légèreté et la fantaisie ont le droit d'exister. Admettons-le donc, et laissons-nous aller à célébrer la gloire de Divine Comedy, et de son nouvel opus, à la fois improbable, ludique... et - rapidement (au bout de 3 ou 4 écoutes...) indispensable. [Critique écrite en 2016]
In May :
"In May" est un album "caché", ignoré par la critique, offert clandestinement (aucune mention promotionnelle de son existence sur la pochette) avec le brillant "Foreverland", de The Divine Comedy. Qui se risquera à l'écouter - en s'attendant probablement comme moi à de quelconques démos sans intérêt - tombera avec surprise sur une oeuvre à la fois marginale et, osons le dire, absolument majeure de Neil Hannon. Lecture chantée (je me comprends : Neil chante - et magnifiquement - le texte, mais il n'y a pas véritablement de mélodies au sens habituel, pop, du terme) de lettres adressées par un jeune cancéreux à son père au cours des derniers mois de sa vie, "In May" est construit comme un enchaînement envoûtant d'ambiances - parfois brèves - construites sur la combinaison "classique" (et souvent inspirée) d'un piano et de cordes. Et le résultat est très impressionnnant, parfois bouleversant (bon, il faut comprendre l'anglais...), et en tout cas rassurera les fans de Divine Comedy parfois décontenancés par la légèreté joueuse de "Foreverland", dont "In May" constitue le jumeau noir. Car on comprend alors que Neil Hannon a enfin matérialisé la schizophrénie de sa musique : à "Foreverland" l'humour, les mélodies enchanteresses, et à "In May" la profondeur émotionnelle, l'ambition "littéraire" et musicale. C'est la combinaison de ces deux albums, aussi excellents l'un que l'autre alors qu'ils ne sauraient être plus différents, qui révèle une fois encore le talent hors du commun de Neil Hannon, et la rare complexité de son oeuvre à une époque de facilité ou de bluff généralisés. Terminons par pointer ce fait - étonnant mais indéniable : c'est la Mort (que l'on craint, que l'on trompe, que l'on pleure...) qui est le sujet de trois des albums les plus importants - et les plus réussis - de 2016, "Blackstar", "Skeleton Tree" et "In May". Doit-on s'en réjouir ? [Critique écrite en 2016]
Pour plus d'informations sur "In May", visitez le website : inmay.co.uk