Neil Hannon est un blondinet gringalet malicieux au physique plutôt commun ; Mettez-le devant un piano, une guitare, une formation rock ou un orchestre symphonique et instantanément, il éblouira l'assemblée par son charisme et son talent. The Divine Comedy (dont Neil Hannon est l’unique membre), est probablement le plus grand groupe de pop orchestrale de ces vingt dernières années.
La sortie de chaque album de The Divine Comedy a le chic pour mettre en émoi tous les gens de bon goût. Et si Neil Hannon sortait un mauvais disque ? Et si le plus francophile des nord-irlandais allait sombrer dans la chantilly ou la mayonnaise plutôt que dans la cuisine moléculaire ? Qu’on se rassure ! « Foreverland » ce 11° album (déjà) est, une nouvelle fois, excellent cru !
Cette fois-ci, c'est vers la pseudo comptine historique que Neil Hannon a décidé de se tourner. De Catherine II de Russie (« Catherine The Great ») à Napoléon (Napoleon Complex), il tourne en dérision de grands personnages qui prennent vie pour quelques minutes autour d'une profusion d'instruments où le clavecin et le banjo (de rigueur !) se mêlent aux cordes voluptueuses. L'élégance est toujours de mise et le dandy ne faillit pas à la règle : inventif, drôle et intelligent, The Divine Comedy fait ce qu'il sait faire de mieux : des chansons pop enjouées et dansantes aux arrangements luxuriants mais jamais ampoulées ou indigestes.
L’album ouvre avec des violons radieux où s’enchevêtrent ensuite une multitude d’instruments… Une fois de plus Neil Hannon réussit le miracle de composer une chanson à la structure (Napoleon) complexe mais dont le résultat d’ensemble est d’une incroyable fluidité…
Neil Hannon fait, comme tous les artistes, des chansons d’amour… mais quand il dit je t’aime, il le fait en citant Diderot, Voltaire ou en comparant l’élue de son cœur à Catherine II de Russie (« Catherine The Great »)… Oui, c’est évident, Neil Hannon est un érudit (on ne choisit pas un tel nom de groupe par hasard…) mais il n’est pas ennuyeux comme peut l’être généralement un premier de la classe… car il utilise également très habilement le second degré : Si dans un refrain il chante je suis un homme desespéré, il le fait sur une musique hybride de course poursuite à la James Bond et de samba (« Desperate Man »)… ou encore dans « Other People », où l’on imagine Neil chanter a capella dans un dictaphone en pleine forêt… puis la voix s’éclaircit et les nappes de violons arrivent, au point d’avoir soudain l’impression d’assister à une comédie musicale à Broadway… trouve-t-il alors la chanson trop grandiloquente ? toujours est-il que celle-ci s’arrête de manière brutale par un désabusé « blah blah blah »…
Voir Neil Hannon sur scène est toujours une expérience unique, vous n’êtes pas un spectateur mais un invité, presqu’un ami avec qui il plaisante régulièrement… il sera toujours en élégant costume cravate, avec un verre de vin blanc à la main que l’on imagine facilement être un Meursault ou un Condrieu, ce qui ne l’empêche pas de rependre parfois Joe le Taxi à la guitare, de jouer seul, au piano « Blue Monday » de New Order, de se lancer dans une improbable version orchestrale de « No One Knows » du groupe de rock américain «Queen Of The Stone Age » ou encore de chanter en duo avec Valérie Lemercier ! Car Neil Hannon s’amuse beaucoup à cultiver l’autodérision, pour autant il n’est pas non plus un clown qui sort des petites comptines à l’apparence désuète (« How can you leave me on my own ? ») en faisant également le pitre dans le clip ; il est surtout le compositeur, sur chacun de ses albums, de titres majestueux que peu d’artistes sont capables de composer... « Foreverland » (nom de la ferme dans laquelle il vit dans la campagne irlandaise au milieu de ses chiens, poules, cochons, ânes que l’on entend parfois sur certains morceaux) n’échappe pas à la règle et possède sa petite « To the Rescue ».
Ce nouvel album, bien que suspendu dans le temps sera incontestablement un des albums de l’année…