Un Autre Monde

Le revoilà notre Godzilla national, 5 ans après l'immense Magma qui a ouvert en grand les portes de la consécration internationale aux Landais, avec notamment 2 nominations aux Grammy Awards.
L'attente aura été d'autant plus forte après le changement de direction opéré en 2016, et ce Fortitude se sera bien fait désirer, après un premier aperçu publié dès le mois d'Août dernier !
Les Français se sont d'ailleurs payé le luxe de travailler avec Andy Wallace, qui a décidé de sortir de sa retraite pour produire le son de ce nouvel album.

L'album s'ouvre donc sur Born For One Thing, single publié quelques mois plus tôt, avec un roulement de caisse claire du plus bel effet, permettant de faire monter la pression avant d'envoyer un mur de son reconnaissable entre mille. On est dans du Gojira pur jus ici. Toutefois, le morceau vient se conclure sur un Breakdown à s'en arracher les cervicales ! Du tout bon en entrée donc !

On enchaîne ensuite sur Amazonia, qui nous rappelle aux engagements environnementaux du groupe, ici pour nous faire réagir au massacre écologique qui se joue en Amérique du Sud.
Pour nous faire ressentir cette ambiance exotique, Joe Duplantier a recourt à une technique de chant faisant échos aux fameuses tribus indigènes, le tout saupoudré de sonorités tribales du plus bel effet. Très grande réussite, le riff du refrain est imparable, et se rapproche selon moi de Stranded sur l'album précédent. On ressent parfaitement toute la rage qu'éprouve le groupe sur ce sujet qui leur tient à cœur.

On arrive ensuite sur Another World, le 1er aperçu de l'album, morceau que l'on connait depuis plus de 8 mois maintenant. Sa position au sein de la structure de l'album permet d'accroitre sa force, notamment dans la 2ème partie du morceau, avec ce pont musical accompagné des chœurs chantés de Joe, qui offre cette ambiance mystique, qui avait explosé sur Magma, un peu à la manière de Shooting Star. Le clip vaut également le détour, avec un évocateur clin d'œil à la Planète des Singes.

Hold On est le 4ème de la liste, et commence à nouveau par du chant clair, que l'on retrouve tout au long de l'album. On enchaine sur du riff pur Gojira à nouveau, certes les rythmiques sont simplifiées par rapport à ce qu'ils ont produits sur les anciens albums, mais au profit d'une émotion décuplée. Les changements d'ambiance s'enchainent, ce qui permet de ne jamais tomber dans la redondance, d'apporter une vraie fraicheur. L'album a également ce côté plus optimiste, avec cette volonté de fédérer, de nous encourager à tenir bon, en témoigne ici les "Hold On" crié par Joe, accompagné par les chœurs hurlant "Fight".
On s'éloigne des thèmes sombres abordés dans Magma, preuve que les frères Duplantier ont fait le deuil de cette période difficile (le décès de leur mère lors de l'écriture de Magma).

New Found nous montre que Gojira est toujours capable d'envoyer du très lourd comme dans la période pré-Enfant Sauvage, toutefois en montrant l'évolution de leur démarche, avec cette dualité couplet mid-tempo sur un riff lourd qui rappelle les sonorités de Pain is a Master, puis un refrain lumineux.

La moitié de l'album nous offre une respiration spirituelle avec le morceau éponyme Fortitude, des chœurs chantant se présentent à nouveau, et vont se poursuivre sur le morceau suivant.

The Chant se présente comme le morceau le plus accessible écrit par Gojira à ce jour, avec ces chœurs omniprésents, galvanisants et fédérateurs, et l'intégralité du morceau est en chant clair. On se rapproche du stoner rock, et donc ici bien loin du Death Metal des origines, preuve de l'évolution et de l'assagissement du groupe. Mais cette simplicité ne signifie pas que c'en est devenu inintéressant, bien au contraire. The Chant nous plonge dans une ambiance toute en spiritualité, mysticisme et émotion, comme le prouve le superbe clip, centré sur le sort des Bouddhistes du Tibet.
On n'est plus à une surprise près, et pourtant, voilà qu'un solo de guitare arrive ! Une première pour le groupe ! Il colle parfaitement à l'atmosphère du morceau. C'est un vrai plus qui fait plaisir.

Attention toutefois, Sphinx nous rappelle que l'ancienne époque de Gojira n'est pas encore révolue. Et cela nous prouve qu'avec cette nouvelle direction prise par le groupe, cela ne signifie pas abandonner l'ancienne formule, mais mixer le tout pour offrir une palette toujours plus large d'ambiances et d'émotions.

Into The Storm fait suite, avec une intro nous proposant encore une nouvelle facette sonore. On ne peut que saluer la variété de l'album. On enchaine directement sur un riff destructeur, et là, nouvelle surprise, le chant forme un écho, empli de reverb, qui pourra rebuter du monde, mais la prise de risque est réelle, et fait son effet. Il illustre parfaitement le thème de rébellion du morceau, avec une volonté fédératrice ("Wake, change your course / Laws will follow / Restart, reactivate the core / Rise" ).

L'avant dernier morceau nous offre un dernier moment de répit. The Trails pourrait presque s'apparenter à une ballade, au milieu du chaos ambiant. L'émotion est palpable.

La conclusion est donc apportée par Grind, qui démarre en boulet de canon, avec des sonorités agressives retrouvées et une fureur décuplée. Tout du moins dans sa premier partie, car l'atmosphère change radicalement dans sa 2ème moitié pour nous emmener loin, très haut, dans une ultime respiration, presque indescriptible. On a l'impression de se sentir décoller. Avant de retomber calmement sur son siège au fur et à mesure que le son s'estompe.

Fortitude est sans aucun doute possible l'album le plus accessible du groupe, mais également la somme de tout ce qui fait Gojira aujourd'hui : la force, la fureur, l'engagement, le mysticisme et l'émotion.
Dans mon esprit, il n'atteint peut-être pas la perfection de Magma et de From Mars To Sirius, mais il est la confirmation d'une chose que l'on peut affirmer sans être chauvin : Gojira est un des plus grands groupes de Metal de notre époque.