La chape de plomb
Pallbearer, c’est un peu comme l’ours brun des Pyrénées : on sait qu’il y en a encore un ou deux qui traîne dans le coin, mais on le voit jamais, en même temps, on est bien content parce qu’on flippe...
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le 24 avr. 2015
Il y a deux ans de cela, noyés au milieu de la marée d'avis dithyrambiques ayant inondé les interouebs et leurs respectables grands frères de papier, se cachaient quelques retours plus circonspects. Notamment quant à la capacité des américains à réinventer la roue, Sorrow and Extinction étant "seulement" un album très solide ayant réussi sans faute son examen de passage sans véritable grande surprise. L'accusation portée, rappelons le, à un disque de Doom a de quoi faire sourire mais aussi le mérite rappeler à quel point la barre est généralement placée haut dans un genre offrant peu de possibilités de renouvellement et prompt à marquer du sceau de l'anonymat ses disciples se contentant d'être simplement bons. Foundations of Burden se devait donc de faire plus, de faire mieux. Pallbearer s'était entre temps révélé excellent sur les planches et le voir disparaître englouti par le peloton des groupes refusant de jouer vite au point de jouer mou, eut été un déchirement.
Même prévenus, force est d'avouer que peu de signes pouvaient laisser présager d'un tel retour sur un créneau pourtant réputé un peu psychorigide, et que l'on imagine difficilement évoluer vers le haut sans provoquer une levée de boucliers. Car souvent trop engoncé dans ses formats, trop codifié, caricatural et dogmatique, trop lent pour véritablement (s')enflammer sans artifices. Trop putain de Doom en somme.
Foundations of Burden est on ne peut plus Doom. D'avantage que Pallbearer ne l'a jamais été alors même qu'il prend ses distances avec la branche classique. Sobre et profond, dépouillé car plus adepte de l'excellence que de l'empilement. Subtil, évolutif, tout entier perdu dans des limbes grisâtres autrement plus intrigantes - et donc piégeuses - que les ténèbres suffocantes ou les volutes psychotropes dans lesquelles trop de wannabee-doomsters aveuglés par leur production en or massif se sont perdu; et qu'autant d'autres dont on ne se souvient déjà plus auront évité trop prudemment. Étudiée à l'extrême, finement produite, cette nouvelle offrande, sans aller chercher le son immense de son prédécesseur, s'en fait finalement tout autant la suite logique qu'elle le surpasse pourtant en tous points.
Entièrement construit autour du chant ahurissant de Brett Campbell mais drivé par un batteur intégré il y a tout juste deux ans - au jeu insaisissable au final éloigné du cliché du cogneur velu des forêts européennes - sans cesse en recherche de dynamiques à même de propulser des compos souvent perchées au delà des dix minutes, Foundations of Burden prend toute son ampleur dans un équilibre savamment orchestré où chaque riff, chaque placement, chaque pattern pourrait être érigé en modèle de puissance et de sobriété d'un genre que Pallbearer pousse ici un peu plus loin vers le Rock. Les climax métalliques au sens le plus belliqueux du terme sont étouffés, n'apparaissent qu'au détour d'un riff ("Watcher in the Dark"), d'une brève accélération, d'un cri ("The Ghost I Used To Be"), ne rendant l'ensemble de près d'une heure que plus hermétique et menaçant par leur rareté. La lumière, omniprésente bien que recroquevillée, seulement perceptible derrière un rideau brumeux aux airs d'infini, qui perce enfin la grisaille le temps d'un "court" interlude (les 3 minutes d"Ashes") demeure globalement inaccessible. Disque tiraillé, progressif, aérien mais puissant et conquérant, Foundations of Burden reste avant tout un modèle de retenue et d'équilibre(s) où chaque facette du groupe se voit exposée avec une souplesse stylistique peu commune sur une scène où Reverend Bizarre et Warning font encore figure d'aboutissement tant en termes d'inspiration que d'interprétation. Deux mamelles auxquelles Pallbearer, s'il ne donne ni dans les marathons sabbathiens de l'un ni ne dépeint les tableaux de désolation écrasante propres au second, s'est indéniablement nourri au regard des cathédrales sonores faites d'une poignée de riffs, en réinvention perpétuelle, et des affleurements de désespoir poignant qu'il ne cesse d'offrir au fil de son ascension ("Vanished"). Magnifique et inquiétant, Pallbearer signe là son grand manifeste Prog lugubre. Définitivement Doom et intelligemment hors cadre.
Créée
le 18 mars 2016
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