Neil a quitté Geffen en 88 pour revenir chez Reprise (une des meilleures décisions de sa carrière !) et avec « This note’s for you », il nous montrait qu’il en avait encore sous les pieds, dans une ambiance très jazz rhythm’n’blues. On pouvait respirer, on avait retrouvé le Loner après une décennie 80 passée à expérimenter (souvent pour le pire), sans trop savoir où aller. En 88, un peu contraint et forcé, il retrouve ses compères Crosby, Stills et Nash pour un nouvel album du quatuor, qui va lui laisser un goût amer, refusant d’ailleurs de faire la tournée qui a suivi avec le trio, et qui explique en grande partie le son plus dur qu’il va développer sur son œuvre suivante, enregistrée avec une partie de son groupe des « Blue Notes ».
En 89, pour confirmer sa bonne forme, il nous offre donc ce « Freedom » qui marque son vrai retour. Attention, l’album est imparfait, manque un peu de cohérence mais c’est tout simplement son meilleur depuis « Rust never sleeps » en 79 !!! Et ce « Freedom » va être construit de la même manière que cet album de 79 avec le même titre en 2 versions différentes, pour débuter et finir l’album, la fabuleuse « Rockin’ in the free world ». Une version live acoustique ouvre le disque, enregistrée lors d’un concert au Jones Beach State Park de New York, alors qu’une version plus longue, électrique dure, l’achève. Allez, sans la moindre hésitation, il s’agit de sa meilleure chanson depuis des lustres…depuis « Hey Hey, My My ». Une chanson irrésistible, rageuse, qui tire à boulets rouges sur la politique de George Bush Sr et qu’une salle entière peut reprendre en chœur.
A côté de ce chef d’œuvre, on s’attend à un vrai feu d’artifice et on en est (un peu) pour ses frais : le reste est bon, tout en n’étant pas exceptionnel quand même. Seul « Somedays » avec ses claviers synthétiques garde des traces des eighties et c’est le morceau raté de l’album. « Freedom » alterne chansons folk (« Hangin’on a Limb », « The Way of Love ») et morceaux rock, mais avec retenue (« Eldorado », « Don’t Cry », « No More »). En effet, à part quelques décharges électriques salvatrices (une seule très courte sur « Eldorado », ce qui fait sursauter l’auditeur !), il n’y a pas de morceaux vraiment enragés comme on pouvait en connaître avec Crazy Horse. « Too far gone » attire immédiatement l’oreille, on y retrouve le Neil folk rock des années 70 qu’on aime tant et ça n’est guère surprenant car…il l’a écrite dans les années 70, sa période dorée, et l’a chantée pour la 1ère fois en concert en 1976. Parmi les autres beaux morceaux, « Wrecking Ball » possède des arrangements subtils ; « Eldorado » est réussie, mais serait mieux sans sa petite touche hispanisante (castagnettes) qui n’apporte rien. Quant à « No More », elle est dotée de quelques beaux solos de guitare et « Hangin’on a Limb » est une paisible ballade folk. La présence de l’amie Linda Ronstadt dans les chœurs n’y est sans doute pas étrangère. Au final, un album qui n’est pas un incontournable, et qu’on a logiquement un peu surestimé à sa sortie, avec des longueurs (« Crime in the city » un peu longuette) et quelques fautes de goût mais bien pardonnables car franchement, quand on repense aux albums qu’il a signés chez Geffen, il n’y a AUCUNE comparaison. Cet album remettait Neil sur le devant de la scène, se lançant dans une tournée solo acoustique qui allait le voir jouer dans des salles à taille humaine (l’Élysée Montmartre à Paris !!!), ses fans pouvaient pousser un grand « ouf ! » de soulagement. Ce « Freedom » ouvrait la voie à d’autres indispensables dans les années 90, le violent « Ragged Glory » et le superbe country folk « Harvest Moon ».