1990 est à la fois une année sainte et maudite pour le rock et le metal : à la sortie d'une chiée d'albums cultes qui auront fait trembler les murs de quelques maisons de malheureux parents, se préfigure également une nouvelle décennie charnière pour les groupes rois des années 80, presque toutes les stars de la New Wave of British Heavy Metal ne verront qu'une longue traversée du désert, dans laquelle on perdra en route de façon quasi définitive le glam. La faute à une contestation directe du grunge, qui montre ses crocs juvéniles, mais déjà prêts à mordre à cette époque, et l'arrivée d'une nouvelle génération qui va devoir envisager de perpétuer son héritage autrement.
Et il semble que les musiciens de Primus l'avaient très bien compris, vu qu'en cette année pivot pour le genre, ils dégainent déjà un album qui va annoncer la couleur de leur carrière dès la première piste : les lois, la tradition, on doit pisser dessus, et avec allégresse tant qu'à faire ! Vos riffs criards qui se ressemblent tous, on les emmerde, à la basse on peut faire pareil d'abord ! Et vos solos ultra mélodiques de tarlouzes, regardez ce qu'on en fait : même pas besoin de jouer juste pour avoir la classe ! Idem pour vos chanteurs d'opéra de mes deux qui ont besoin de se serrer les couilles pour chanter !
Et il résulte de ce Frizzle Fry un album qui est résolument rock, le plus rock que le groupe fera dans toute sa carrière. Mais un rock qui se montre ici à une sauce bien particulière : le jus de son propre cadavre à moitié décomposé et prêt à exploser d'ici la fin du siècle, où il s'apprête déjà à retourner à la terre pour que les fruits de l'avenir puissent pousser sur son compost. Mais d'ici là, on a bien le droit de profiter du spectacle morbide que nous offre cet album à mettre son bras dans le cul du cadavre pour jouer avec dans l'innocence la plus pure.