Si Other voices surprenait magiquement, Full circle sent un peu plus la gueule de bois.
En soi l'album n'est pas mauvais. Il est même assez bon. Rendons à César ce qui est à César, les Doors en avaient encore un peu sous le capot. Sauf que passé le haut niveau et l'homogénéïté du précédent disque, Full circle hésite entre de bonnes chansons (voire de très bonnes) et des choses moyennes parce que justement déjà vues précédemment au sein du groupe et en mieux (certains titres semblent sortir des sessions de Morrison Hotel et L.A Woman sans justement trop s'en démarquer). Il y a même un truc assez indigne des Doors, une sorte de mini opéra-rock, The peking king and the new york queen, qui personnellement m'insupporte : un peu l'impression que Manzarek voulait faire du Genesis façon Doors. Et c'est un adorateur du groupe de Peter Gabriel qui le dit. Mais là, non, ça passe pas.
Le reste de l'album reste heureusement sur une bonne impression d'ensemble.
Get up and dance ouvre l'album en choisissant l'audace : des choeurs féminins chez les Doors ! Bah, pourquoi pas ? La chanson est agréable, elle passe bien. Susbiste néanmoins ce léger malaise d'une joie forcée un peu comme si on avait mis Manzarek et Krieger à composer avec des flingues pointés directement sur eux. Verdilac suinte la coolitude et le groove. Ce titre démarre blues façon L.A Woman... avant de vite prendre un virage funky, jazz-rock et psychédélique en plus (super solo de saxo de Charles Lloyd au passage).
Et puis il y a The mosquito (qui sera reprise à sa manière par Joe Dassin !), délire complet qui débute façon mexicaine (Krieger racontait que tout partait d'une petite chanson entendue lors de vacances à Mexico par un groupe mariachi) pour virer en jam façon Mahavishnu Orchestra (en plus court toutefois) avec l'énergie et la fougue d'un Light my fire retrouvées (Krieger se déchaîne comme au live de 68 au Hollywood bowl, de quoi regretter que le titre ne fasse que 5mn).
Et n'oublions pas The piano bird et ses passages de flûte enchanteurs.
Mais quand l'album paraît en 1972, le monde est passé à autre chose.
Le psychédélisme des Doors ne marque plus. Le groupe lui-même est de plus au bord de l'implosion. Les tournées, la dépression, la fatigue, les critiques constamment négatives qu'on leur renvoie à tour de rôle dans la gueule... C'est comme s'ils étaient fautifs d'avoir survécu à Jim Morrison. Le groupe se sépare momentanément pour prendre des vacances et faire le point tandis que Manzarek s'angoisse mortellement parce que la grossesse de sa femme ne se déroule pas si bien. Holzman (boss d'Elektra alors) ne presse aucunement le groupe pour un troisième disque sans Jim, il quitte d'ailleurs le label à la fin 1973.
C'est dans cette tourmente que les Doors prennent fin. Bien sûr après il y aura quand même An american prayer, l'album hommage à Morrison et de multiples reformations mais ça c'est une autre histoire. Full Circle pendant longtemps a été un album maudit, probablement plus que Other voices et pourtant il est à redécouvrir comme son aîné. Les récentes rééditions de ces deux disques en 2015 permettent à nouveau de redécouvrir des joyaux et voir que l'époque une fois de plus ne fut pas clémente envers ses perles cachées.