Avec cet album de 1964, on a l’impression de boire un cocktail glacé un soir d’été, sa fraîcheur reste unique. Et il marche aussi les soirs d’hiver car il vous réchauffe illico avec la sonorité brillante du saxo de Getz ! On a l’impression de prendre un vol direct pour Rio. Grâce à lui, la bossa nova « version états-unienne » faisait un carton et allait envahir la planète. Cet album prend la suite assez directe de « Jazz Samba », il a été enregistré en 1963 et sorti en 1964. Getz avait été charmé par cette musique que le guitariste Charlie Byrd, de retour d’un voyage au Brésil, lui avait fait découvrir. Il s’entoure alors de Luiz Bonfa et de Antonio Carlos Jobim pour travailler sur des standards de cette musique et les présenter au public américain. Peu de temps après cette rencontre, Getz entre en studio afin de capter les thèmes du disque à venir, en compagnie de Jobim, du guitariste et chanteur João Gilberto et de sa femme Astrud. Le reste appartient à l’histoire et demeure 60 ans plus tard, un des albums de jazz les plus vendus de l’histoire. Il contient notamment l'énorme tube "The Girl from Ipanema" qui est devenu un succès international et a contribué à populariser la bossa nova dans le monde entier. Antonio Carlos et Astrud apportent leur connaissance de cette musique riche tandis que Getz offre son habileté de jazzman, moins feutrée que sur l’album précédent, peut-être plus mordante et puissante dans ses solos. João Gilberto apporte lui sa sensibilité brésilienne et son style de guitare caractéristique.
Des morceaux comme « Corcovado » et « Desafinado » sont eux aussi entrés dans la culture populaire. Le succès a été tel que l'album a remporté le Grammy Award de l'album de l'année 1965. C'était la première fois de l'histoire pour un album de jazz. Une vraie merveille, à la fois novatrice et très accessible, avec laquelle on peut facilement entrer dans le jazz si on n’y connaît pas grand-chose. Getz finira par trouver fatiguant d’être constamment réduit à la bossa nova et dès 1965, va s’éloigner assez vite de ce style qu’il a pourtant popularisé. Il va se rapprocher de jeunes musiciens brillants et prêts à expérimenter comme Chick Corea pour emmener sa musique ailleurs. Ce dernier apparaît en tant qu'invité sur l'album de Getz, « Sweet Rain » (1967), pour lequel il compose deux pièces. Une nouvelle ère s’ouvrait mais le saxophoniste reste immanquablement (malheureusement aussi) pour le grand public assimilé au jazz bossa. Alors, bon, des « puristes du jazz » tordront le nez devant l’immense succès commercial de cet album et préféreront Getz dans sa période « cool » (avant) ou sa période fusion (après) mais ça reste, peut-être pas mon préféré de tous ses albums, mais un des meilleurs sans hésitation.