Là où Ghosts V permettait de respirer, d’ouvrir des perspectives d’avenir et d’y voir un monde meurtri mais en changement vers une réparation progressive des traumas du passé, « Ghosts VI : Locusts » renvoie tous les démons du présent, du passé et du futur dans plus d’une heure de matérielle dense et difficile à appréhender, offrant la subtile bande originale de nos cauchemars les plus profonds.
" The Cursed Clock " débute le second album par une rythmique au piano se faisant disséquer progressivement à la manière d’une horloge, celle du Temps et de l’inévitable course avec la Mort que représente la Vie, repoussant puis ramenant cette mélodie qui se déconstruit au fur et à mesure du morceau d’où transparaît davantage une détresse contenue que la douce mélancolie du premier disque.
L’ambiance austère bien installé, le fameux saxophone vient faire son apparition dans une sorte de ballade gothique porté par la mélodie déphasée d’un piano robotique dans le second morceau " Around Every Corner " d’où on remarque une nouvelle fois l’importance du nom des morceaux tout aussi aussi évocateur que sur -Together-, un titre comme " Your New Normal " fait justement froid dans le dos, tout comme les sonorités étranges qui composent ce morceau. La balade nuptial aux mélodies lugubre se poursuit avec " The Worriment Waltz " ou le saxophone revient discrètement pour prendre une place central dans " Run Like Hell ", augmentant le tempo pour se voir encore plus déstructuré sur l’inquiétant " When It Happens (Don’t Mind Me) ".
Le mélange des sons industriels, aux instruments captés sans filtre caractéristique de ce qu’on retrouvait sur le classique « The Fragile » (1998) retrouve de son génie sur Locusts, le travail de mixage sonore recréant à elle seul des atmosphères dignes des plus grands thrillers et films d’horreurs comme sur l’oppressant " Another Crashed Car " et " Temp Fix ".
" Trust Fades " ramène le peu d’espoir que l’on retrouve dans ce champ noir et sordide que peint ce second album évoquant vers sa fin des morceaux qu’aurait pu faire Badalamenti pour Twin Peaks ou Mulholland Drive, ce souci du détail sonore permanent permet à l’auditeur d’y voir des espaces sonores ou j’y vois dans " Just Breathe ", une cathédrale en ruine ou l’on peut entendre le son d’un vieux train passant proche de cet ruine. Les textures sonores s’éclatent et se déchirent, passant d’atmosphères repoussantes mais calmes (" Right Behind You " et " So Tired ") à des bombes à retardements sonore qui pourrait provoquer de véritables sueurs froides à quiconque écouterai cela pendant la nuit (" Turn This Off Please " et " Almost Dawn ").
Ce projet fini par un battement de cœur signifiant qu’au-delà du désespoir actuel, la vie continue mais ce n’est que mon interprétation car le duo laisse place à l’imagination de l’auditeur au travers de leurs expérimentations, c’est en cela que le projet est réussi. L’art est un outil complexe qui devrait servir, non pas à voir et entendre ce dont on a envie, mais à nous projeter dans un univers ou l’artiste réussi à construire un espace assez cohérent et original pour permettre à son auditoire d’y étendre son esprit passionné et ouvrir son imaginaire dans les interstices des hors champs délibérément laissé par son créateur.
Article complet à retrouver sur Pozzo Live
Critique sur Ghosts V