J'ai un rapport très particulier à "Goat's Head Soup", car cela a été, à 16 ans, mon premier album des Stones, celui du "dépucelage" après deux ans à écouter les Beatles, puis Bowie et Lou Reed. Mon premier réflexe fut alors de me demander pourquoi on faisait tant de cas de ces "Rolling Stones" qui me paraissaient si peu inspirés sur cet album aux titres interminables, dégageant si peu de magie. Avec le recul, si "Goat's Head Soup" reste un album difficile à défendre, caché derrière une pochette complètement loupée du pourtant célèbre David Bailey, il est plus écoutable que beaucoup des disques des "Rolling Stones Mark II" qui vont suivre : il faut faire l'impasse sur le coup de maître KeithRichardsien de "Exile…" et voir cet album comme une version plus clean, plus aseptisée (encore), plus "technique" de "Sticky Fingers", car cela aide à entre dans ce long voyage de titres globalement honnêtes (… mais sans plus), lumineusement bien interprétés par un groupe qui maîtrise totalement son sujet, mais qui, clairement,… n'a plus grand chose à dire au monde (… ou bien a oublié comment le dire, cela revient à peu près au même !). Chacun y trouvera deux ou trois chansons plaisantes, entre la scie "Angie" qui fait office de madeleine proustienne, les provocations très seventies du chuckberryen "Starfucker" (pardon, "Star Star") ou encore une certaine menace qui rôde encore dans "Heartbreaker"… mais l'impression d'ensemble reste celle d'un disque vaguement anodin, voire un peu ennuyeux, certainement loin d'être aussi sombre que son titre voudrait le suggérer.
[Critique écrite en 2012]