Au cours des dernières années, Conway the Machine a été l'un des paroliers de rap les plus intéressants en activité, créant des lignes méticuleuses sur la vie des rues et les dangers du trafic de drogue.

Membre de Griselda Records avec son frère Westside Gunn et son cousin Benny the Butcher, Conway a gagné en notoriété au cours des dernières années, notamment grâce à celle de 2020, exceptionnelle où il a sorti avec The Alchemist LULU, un EP mémorable et FROM KING TO A GOD, un des albums de l’année.

Et pour les nouveaux fans qui l'ont peut-être découvert sur "Keep My Spirit Alive" de Kanye West (DONDA), (ne les méprisez pas), “God Don’t Make Mistakes” est l’album parfait tellement Conway parle de lui même comme jamais auparavant.


Avant de fonder Griselda, Demond Price de son vrai nom, a reçu une balle dans le cou et l'épaule , une blessure qui est un thème majeur de cet album. La fusillade l'a laissé paralysé du côté droit de son visage, forçant Conway à réapprendre des compétences de base comme manger et parler. Cependant, cette blessure ne l'a pas empêché de rapper et de partager son histoire, il l'a même plutôt utilisée pour créer un flow distinctif qui le rend instantanément reconnaissable parmi les autres rappeurs.


Même si, sur “God Don’t Make Mistakes”, on retrouve toutes les caractéristiques du travail passé de Conway, l'album le présente également plus que jamais. Dans une récente interview à propos de son album, il a déclaré : "Je sais qu'avec ma musique, je parle de trucs que j'ai vus et de la façon dont nous vivons dans le quartier, mais je sens que j'avais besoin de parler davantage de moi même si c’était dur à faire. Normalement, j’suis plus fermé et je garde mes trucs personnels et mes lacunes pour moi, mais c'était l'album et le moment pour faire ça.”

Et bordel! Il le fait divinement bien!

Le virage lyrique est incroyablement efficace car Conway maintient son style tout en plongeant dans de nouveaux territoires. Et il y a beau avoir de sacrés invités sur le projet (Benny & Westside, Beanie Sigel, TI, Rick Ross, Lil Wayne etc…) c’est bel et bien un album profondément confidentiel.


L'un des morceaux les plus personnels est "Guilty", où Conway ramène les auditeurs à sa fusillade presque fatale en 2012. Il parle de l'événement comme d'un moment divin en détaillant comment la balle était à quelques centimètres de sa carotide. “Guilty” rappelle le message de “Through the Wire” de West : Vaincre la mort et rapper avec une capacité retrouvée, une sorte de renaissance. La chanson est livrée sur un rythme piano calme avec des vocaux de style gospel, un son introspectif qui complète les paroles saisissantes de Conway.


"Stressed" est une autre chanson très personnelle pour Conway qui le voit s'ouvrir sur la dépression, l'alcoolisme et la mort de son fils. La fin du deuxième couplet détaille comment, peu de temps après le suicide d'un de ses cousins, son enfant est décédé à l'hôpital. “Imagine bein' in the hospital, holdin' your dead baby; And he look just like you, you tryna keep from goin' crazy (That's my world)”, explique Conway, une image terrifiante qui exprime clairement son immense perte. En puis, suit une référence à l'alcoolisme avec “That's why I drink a bottle daily; For all the shit I keep bottled in lately”, une expression triste de la consommation passée d'alcool de Conway pour engourdir sa douleur. La piste parle aussi de sa dépression provoquée par les tragédies qu’il a dû affronter.


L'un des morceaux les plus originaux est "Wild Chapters". Conway, Novel et l'icône du rap TI livrent chacun des couplets faciles à écouter, ainsi qu'un magnifique refrain de Novel qui complète parfaitement le rythme étrange et enivrant produit par le grand Hit-Boy.


La meilleure collaboration de l'album, ça n’étonnera pas grand monde, c’est bien sûr “John Woo Flick", un hymne bien badass du trio maintenant légendaire de Buffalo : Conway, Benny the Butcher et Westside Gunn. Kill et Daringer à la prod, c’est admirablement cool, l'équipe de Griselda rappe en faisant plein de référence à la NBA, au Wu-Tang, à Ray Liotta, Wayne Brady etc. Chaque membre de l'équipe donne tout ce qu'il a, rappelant aux fans de longue date que le trio a une des meilleures alchimies de l’histoire du hip-hop, oui, oui.


Citons aussi la réussite qu’est “Tear Gas”. Après l’effrayante entrée en matière “Lock Load” produite par Daringer sur laquelle Conway et Beanie Sigel rappellent, d’un ton menaçant, l'importance d’être toujours armé, “Tear Gas” voit 2 monstres tels que Lil Wayne et Rick Ross rejoindre Conway. Ce dernier s'adresse aux personnes qui ne le reconnaissent pas pour l’homme et le rappeur qu'il est, et comment elles prétendent le connaître alors qu'il utilise son argent pour élever ceux qu'il aime, comme son petit frère. Lil Wayne entre pour le 2ème couplet, classique et vantard, un joli contraste vocal avec Conway. La chanson se termine par un court couplet de Rick Ross qui réitère le succès remporté par les trois rappeurs. Super collab.


Jamais du genre à oublier ses racines, le personnage dur qu’est Conway est parfaitement représenté dans le titre approprié "Piano Love", sorti fin d’année dernière. A travers un beat sombre du maestro The Alchemist, le rappeur remet les pendules à l’heure, parle de sa progression et lâche des skuds, ça sent le souffre, ça menace et ça règle des comptes, c’est jouissif.


Un mot sur le macabre “Babas” que j’aime particulièrement. Les paroles crues de Keisha Plum résonnent et Conway termine son couplet en citant “Look what I became, I went from King to a God”. Beat Butcha et Daringer ont beaucoup écouté Portishead, c’est évident tellement on dirait la prod venir d’un de leurs albums. La ressemblance est folle!


Pour clôturer l'album, The Alchemist revient avec un instrumental savoureux. La chanson titre contient un message vocal émouvant de la mère de l'artiste, Annette Price.

Avant cela, Conway revisitant chaque instant de sa vie, parle de ses traumatismes, détaille son combat pour rester en vie et rester positif face à ces moments atroces. Conway est vraiment touchant, montrant ses failles comme jamais auparavant. Un titre qui résume parfaitement l’album.


"God Don't Make Mistakes", vous l’aurez compris, n'est qu'un autre projet exceptionnel dans la discographie du hip-hop de Buffalo, élevant une fois de plus les normes incroyablement élevées que Conway et ses pairs continuent d'établir.

Alors oui, c’est rarement festif et même parfois lourd à digérer mais en s'ouvrant à des sujets personnels jamais abordés, Conway, toujours sombre et cinématographique, élargit sa portée lyrique et thématique pour créer une expérience d'écoute fascinante.


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le 22 juin 2022

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