Bah non. Ce n’est pas parce qu’on aime le rock alternatif et les années 1990 qu’on est obligé de dire amen à tout ce qui est estampillé "classique". Car dans cette année riche en disques essentiels que fut 1994 (Welcome to Sky Valley, Dubnobasswithmyheadman, Ill Communication, The Downward Spiral, Superunknown, Dog Man Star et j’en oublie des tonnes), Grace y occupe une bonne place et on se demande bien pourquoi. Un unique album d’un "fils de" parti très tôt et comme il était beau gosse, on a une partie de l’explication.
L’autre partie, ce sont les capacités techniques du chant de Jeff Buckley parce qu’il savait chanter le bougre. Dommage qu’il fût aussi un interprète maniéré. Quand il pose sa voix sur de très bonnes compositions, ça fonctionne évidemment (les deux premières pistes, imparables). Hélas, quand il le fait sur des morceaux faibles, le masque tombe : Jeff se caresse l’organe tellement il aime sa voix. Ça peut-être intensément ennuyeux (« Lilac Wine », « Lover, You Should've Come Over ») comme ridicule dans le pire des cas (ce grand numéro de chochotterie qu’est « Corpus Christi Carol »).
On préfère le bonhomme quand il fait vraiment du rock (« So Real » et surtout son sommet, « Eternal Life ») ou lorsqu’il maîtrise ses atmosphères (« Dream Brother »). Parce que concernant les reprises, c’est chou blanc. Oui, le fameux « Hallelujah » est concerné puisqu’il s’agit d’une gentille scie même en omettant qu’elle est devenue l’archétype du morceau pour faire pleurer dans les chaumières.
Si on ne peut nier l’influence de Buckley, on n’est pas non plus sommé de l’approuver. Car si elle a inspiré le meilleur (Thom Yorke), elle a également fait de même avec le pire (Matthew Bellamy).
Pas dénué de talent mais particulièrement bancal, Grace est loin d’être le chef d’œuvre qu’on aime tant répéter. Il y avait un peu trop d’égo, de romantisme surjoué et pas assez de génie pour qu’on puisse tenir ce genre d’assertion.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.