Sommité du rock progressiste de troisième génération, STEVEN WILSON expose son talent au fil de projets variés mais toujours servis par la même exigence artistique. Que ce soit Porcupine Tree, Blackfield, No-Man, Bass Communion ou ses piges avec Opeth, Anathema et récemment dans la remasterisation de la prodigieuse discographie de King Crimson, son curriculum essore le spécialiste sans perdre ses couleurs pour autant. Avec son deuxième magnum opus en solo, trois ans après la réussite charbonneuse d'Insurgentes, Wilson monte la lumière d'un cran et distribue un double album étonnant.
Grace For Drowning est à la fois euphorique, dépressif, carbonisé, cajoleur, imprévisible. Comme une fenêtre sur le futur, les coups de pinceaux patinent des structures en totale liberté. On sent bien que Wilson s'est imprégné du travail effectué sur l'œuvre de Robert Fripp et de son monde schizoïde tant les compositions varient entre salves inoffensives et déferlements dérangés, proches de l'orage psychédélique, saturés par une guitare moins présente que prévue mais d'une rare puissance. Autre sujet d'étonnement : les claviers, et le piano au premier plan, puisent à la source, accompagnés par quelques ténors comme Theo Travis, Nick Beggs, Steve Hackett, Jordan Ruddess, le London Session Orchestra et le Synergy Vocals Choir dirigés par Dave Stewart... du beau monde.
Il y a là une sonorité à nulle autre pareille. Car la production est assez prodigieuse, évoquant les trésors d'imagination déployés. Brutale (« Sectarian »), séductrice au possible (« Deform to Form a Star » tout en légereté), en déséquilibre (« No Part of Me »), délicieusement pop (« Postcard »), cauchemardesque (« Remainder the Black Dog ») ou magnifiquement théâtral (« Raider II » et son hommage aux longues rêveries perturbées des seventies), l'écriture de Wilson est alerte et en prenant à bras le corps ce projet très personnel, il parvient à explorer son spectre musical à la manière d'une bande originale (« Belle de Jour »).
Les tristes figures regretteront, comme toujours, son dramatisme assumé, ce pathos rempli d'un spleen tantôt fiévreux, tantôt apaisé, cette conception très organique de la musique, avec une matière sonore d'une telle densité qu'elle semble prête à imploser à tout moment. Alors oui, Grace For Drowning tire un peu sur la corde mais c'est aussi le prix à payer pour vivre cette expérience riche, habitée, à la fois sereine et tumultueuse. Le Home Sweet Home de Steven Wilson.
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