Gris Gris, c'est de la musique de marécage. Un disque poisseux, qui colle à la peau, où l'on rame sans savoir où l'on va. Le son est crade, les instruments suintent dans les oreilles, comme des algues qui s'agglutinent sur le sable.
Dr John chante comme s'il venait de se réveiller d'une nuit blanche passée à fumer et à danser sur les bords du Mississippi : la voix cassée et fatiguée, où traînent des débris de psychédélisme mençant.
Les morceaux, mi-rêvés mi-joués, forment une sorte de nuage rougeâtre, un gros paquet de fumée, mi-rock mi-marijuana. Dans Gris Gris Gumbo Ya Ya par exemple, on entre dans le disque par un rythme hyper lent, presque trop lent, comme lors des lendemains de cuite où tout autour de soi les choses tournent en décalage… et l'on a l'impression de se mouvoir dans de l'eau.
Danse Kalinda Ba Doom, Ba Doom est tellement entraînante, mais c'en est invraisemblable. Surtout après avoir passé 5 minutes à patauger dans la boue.
Mama Roux est une sorte de reggae un peu timide.
La progression vocale de Danse Fambeaux est exquise : l'arrêt de l'instru au milieu pour relancer Dr John, oscillant entre le choeur et les "Padoumpadoum", tellement abstraits qu'ils en deviennent familiers, c'est super.
Crocker Courtbillion ressemble à une virée dans la jungle tropicale : c'est humide, c'est embrouillé, c'est fumeux. Les percussions grouillent, les choeurs s'empressent de finir leur chant pour écouter le son de la jungle : la flûte se superpose aux bruits d'animaux sauvages. On se croirait dans une peinture du douanier Rimbaud où l'on aurait plaqué en arrière fond les paysages inquiets de Max Ernst.
Jump Sturdy ressemble à un morceau de Ray Charles avec un groupe country.
I Walk on Guilded Splinters est un morceau idéal pour un enterrement branché : tout le monde danserait sur les flammes, ça serait beau.
Gris Gris, c'est de la musique de marécage à écouter la nuit.