« Blessed are they who bash your children's heads against a rock. »Si l'album s'ouvre sur un discours du sulfureux révérend Jeremiah Wright, ex-objecteur de conscience de Barack Obama et grand pourfendeur des inégalités à l'égard des minorités noires, c'est pour annoncer la couleur du nouvel album de Dälek. Noir comme toujours, mais noir sans nuances, sans lumières. Pas anthracite, pas gris foncé, pas bleu nuit... Noir.
Car même si on a du mal à l'imaginer, ce Gutter Tactics est bien plus sombre que les précédents, qui font office d'hymnes à la joie comparés à ce bloc sonique. Plus sombre donc, mais aussi plus subtil, moins direct qu'Absence, les nappes noise se font plus discrètes comme un bourdonnement inquiétant et donc la voix est plus présente, sans artifices, plus terrifiante que jamais. Mis à part le trio final, aucun des morceaux de ce Gutter Tactics ne semblent être écrit pour plaire. Ils sont là pour informer, pour mettre mal à l'aise, s'imposer mais en aucun cas pour draguer l'auditeur. On retiendra No Question qui prend tout le disque en otage pour commencer, le lancinant Armed With Krylon ou le diptyque du milieu Los Macheteros/Spear Of Nation qui rappelle vaguement une ville assiégée et ravagée par un tapis de bombes. A la fin seulement, à partir du morceau éponyme; le ton s'adoucit, se familiarise et l'on retrouve le Dalëk d'Abandoned Language : flow exigeant, scratchs soignés d'Oktopus et instru qui tabasse. Surtout sur l'hallucinant 2012 qui s'impose comme la meilleure claque hip hop de ce début d'année, qui comme son nom l'indique flirte avec une joyeuse atmosphère de fin du monde. L'acte final d'une trilogie de disque exigeante, parfaite et plus que jamais inhabituel dans le paysage du hip hop américain.