"Refugees", le single extrait de "The Least We Can Do...", ayant éveillé l'attention du public, Charisma se frottait les mains en ce début de l'année 1970 quant à l'avenir prometteur de son nouveau poulain, Van Der Graaf Generator...
Malheureusement; "H to He, Who Am the Only One" (encore un long titre abscons, faisant cette fois a priori référence à la fission de l'atome, menaçant le futur de l'humanité...) ne rencontrera aucun succès commercial, et annoncera le destin futur de VDGG et de Peter Hammill : un intérêt poli de la part de certains critiques, une petite base de fans extrêmement convaincus, et c'est à peu près tout. Néanmoins, comme nous parlons d'une époque où l'on pouvait vivre de sa musique, et que des ventes modérées d'albums suffisaient à se nourrir, Hammill et VDGG continueront à créer de l'excellente musique sans réelle entrave, à la manière de ces artistes indépendants qui, dans tous les domaines, fonctionnaient en toute liberté au sein d'une structure qui leur allait parfaitement.
Mais revenons à ce "H to He..." : enveloppés dans une autre pochette très très laide et très très symbolique de Paul Whitehead; "l'artiste" (hum...) maison de Charisma qui condamnera au ridicule la quasi totalité des albums publiés par le label, voici cinq longs morceaux - le plus court fait quand même 6 minutes et demi - qui symbolisent parfaitement la démarche de Hammill et ses amis, voire même toute l'approche du Rock Progressif de l'époque. On oscille, en toute objectivité, entre l'excellence ("Killer", futur classique absolu du groupe sur scène, que Hammill refusa semble-t-il de sortir en single, le trouvant trop "hard rock" !) et le franchement pénible ("Lost", interminable chanson d'amour perdu en forme en montagnes russes et toute en ruptures d'ambiances pas très cohérentes), mais il faut admettre que le "style" de VDGG s'est maintenant bien établi, que la voix de Peter est fantastique du début à la fin de l'album, et que le groupe sait ouvrir des gouffres vertigineux de folie et de déraison, au milieu des hurlements du saxo de Jackson et des étranges roulements de la batterie de Evans.
Bref, "H to He..." confirme que VDGG est un groupe original, inspiré, important même pour l'évolution de la musique, même si ce qu'il produit est d'un intérêt variable. Il faut reconnaître que la technique des musiciens est assez incertaine : sur scène, Evans a du mal à maintenir le beat, et l'ensemble sonne à la fois incohérent et maladroit. Les critiques des live shows de VDGG sont régulièrement mauvaises, et Nic Potter quitte le groupe, privant "H to He..."de basse sur la moitié des morceaux.
Mais peu importe finalement le manque de consistance sonore d'un groupe qui, sans vraie section rythmique et sans guitare, sonne "creux", il y a ici de quoi contenter les amateurs, en particulier dans les textes fantastico-science-fictionnels et symboliques, et dans ce sentiment omniprésent de menace et de déraison : le requin-tueur malheureux de "Killer" qui symbolise la culpabilité de Hammill, dévoreur de sentiments comme le poisson dévore la chair, les délires meurtriers du tyran de "The Emperor in his War Room" (un peu longuet, mais illuminé par un fabuleux solo de guitare d'un invité de prestige, Robert Fripp), ou les astronautes s'aventurant au delà de la vitesse de la lumière et se retrouvant perdus dans l'espace-temps ("Pioneers over C", fascinant et vertigineux...), tout cela alimente copieusement les fantasmes des fans d'une musique ambitieuse et complexe. On remarquera aussi "House with No Door" et sa mélodie magnifique, qui aurait néanmoins plus sa place sur l'un des futurs "albums solos" (où jouent en général la plupart des autres membres de VDGG, de toute manière...) de Peter Hammill.
1970 se termine pour VDGG avec un sentiment pour le moins mitigé, mais 1971 sera un grand cru pour le groupe, et leur permettra d'atteindre un premier sommet... (à suivre)
[Critique écrite en 2020]