Hackney Diamonds est un disque passionnant même s'il n'est pas génial. Passionnant parceque, comment des septuagénaires bientôt octogénaires ont pu délivrer pareil opus, varié, secoué, mais aussi raté, débordant de tout, d'un autre temps parce-que, hey les mecs, vous n'êtes plus tout jeunes avec de pareilles lyrics.
Passionnant et amusant aussi d'entendre Mick haranguer Macca sur son solo de bass branché sur le plus haut voltage possible : Bite My Head Off a du sang garage dans les veines. Et venant de types qui ont façonné une certaine idée du blues rock avant tout le monde, redonnant à César (Berry, Reed, Waters, Richards, Wolf...) ce qui est à César et qui sont encore là aujourd'hui, c'est cigare pour tout le monde. C'est respect éternel.
Et peu importe s'il faut se farcir trois morceaux d'entrée où on entendra pêle-mêle de riffs ou morceaux de mélodies chopés sur Brown Sugar, Wild Horses, Sway ou Slave et sûrement d'autres, ils étaient en leur temps des tubes en puissance, made in Stones. On trouvera l'exercice paresseux ou une preuve formelle que ces vampires ne sont pas prêts de mourir.
Comme une compilation du style Stones, tous les genres y figurent. De la plus pure racine blues, à la pedal steel guitar chère à Ronnie Wood, en passant par le disco, les rythmes reggae, la foi du gospel à l'unisson avec Lady Gaga, mais aussi un machin à peine digne d'Oasis avec Depending on You ou un Liam Gallagher en mode automatique sur Live By The Sword.
On appréciera l'album dans son ensemble, où Mick Jagger semble être tombé par on ne sait quelle magie de la production dans une véritable piscine de jouvence. Sa voix est extraordinaire, peut être trop, comme s'il ne voulait jamais mourir ou vieillir. C'est édifiant sur certains morceaux. Keith Richards, sage comme une image, piochera ça et là dans sa boîte à riffs en changeant une mesure ou deux : sur l'excellent Driving Me Too Hard, la ressemblance avec Tumbling Dice est inouïe, mais le petit coquin coupe court à toute ressemblance une demie seconde après, comme pour nous dire "Hey coco, je fais ce que je veux avec mon matos et je sais qu'au fond, tu aimes".
Cette sensation parcourt Hackney Diamonds dans son ensemble, disque qu'on aimera détester parce que les Stones n'ont plus été inspirés depuis les guerres internes de pognon, après Tatoo You, et on se demande ce que vient faire ce disque dans une époque où le rock n'est qu'affaire de mastodontes électro bourreurs de stades (Imagine Dragons, Coldplay, Muse...) ou de petits gars pointus de labels indépendants. Que des légendes intouchables mettent le monde sans dessus dessous à coups de campagnes marketing écrasantes pour un disque somme toute impeccablement fait mais troussé en mode confort, c'est une manière sans doute à eux de montrer que le rock ne mourra jamais, même s'il peut prêter à sourire et ce malgré le casting invité et une Lady Gaga, fan d'eux comme tout le monde, mais pas inoubliable. L'envie de remettre leurs classiques sur la platine est en revanche indiscutable. L'effet Stones !