Hamlet
5.7
Hamlet

Album de Johnny Hallyday (1976)

« Johnny Hallyday fait du rock progressif » : voilà bien un énoncé dont la langue française ne se doutait pas qu'elle pourrait permettre la production un jour. Et pourtant.

Mais attention, Johnny ne fait pas du progue n'importe comment. Il s'est entouré d'une équipe (et pourquoi ne pas les citer ? Gilles Thibaut aux paroles, Pierre Groscolas aux compositions et Jacques Revaux à la production) qui a bien appris sa leçon et a bien vu comment on faisait du progue outre-Manche.

Tout d'abord, le concept : bien évidemment, hors de l'opéra-rock, point de salut. On choisira ici d'adapter une œuvre littéraire connue. Saurez-vous deviner laquelle ? Indice : l'un des personnages est fou comme une tomate.

Transition subtile pour évoquer les paroles... Certes, pour un anglophone, les chantres du progue n'ont pas toujours dédaigné les paroles surréalistes, absurdes ou juste stupides. Mais l'anglais peut se permettre de se foutre du sens (voire du bon sens) : il a le rythme pour lui. Pas le français. Le décalage entre la volonté de grandiloquence et les paroles qui tombent fréquemment à plat (cf. l'Ouverture) compte pour beaucoup dans la nanardise de la chose. C'est vraiment douloureux d'entendre Johnny, quoi qu'on pense de lui, déclamer des choses telles que :

Je suis fou comme une tomate
Je ne tiens plus sur mes pattes
Je marche et vais de travers
Je vois rouge et je suis vert

Et c'est encore pire quand le parolier se pique de poésie (ou à l'héroïne, allez savoir) et nous sort des trucs du calibre de ce quatrain :

Le soleil, sans vergogne
Fait d'une peau vermeille
Une infecte charogne
Fuit devant le soleil

Pour enrober le concept, on suit encore une fois le B.A.-BA du progue : chœurs féminins à la Pink Floyd, arrangements orchestraux grandiloquents, claviers à la ELP... Mais ajoutez par-dessus ça une bonne couche de savoir-faire à la française, c'est-à-dire un fort relent de variétoche dans ce qu'elle a de plus détestable et de ridicule. On trouvera bien çà et là de bons morceaux de bravoure de la part des guitaristes, mais pas de quoi se relever la nuit.

Saluons par ailleurs le timing parfait de ce double album de 78 minutes sorti en 1976.

À écouter au moins une fois dans sa vie, pour le côté « curiosité historique » (mais peut-être pas deux fois, sauf si vous aimez les nanars). Qu'on se le dise, Johnny n'a pas seulement fait du mauvais rock, du mauvais blues et de la mauvaise variétoche : il a aussi fait du mauvais progue !

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le 12 févr. 2012

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Tídwald

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