Sexuellement culte
Kimberly Denise John est née en 1974 à Brooklyn, New-York. Une jeunesse compliquée, livrée à elle-même assez tôt, le deal comme moyen de s’en sortir.Sa rencontre avec The Notorious BIG alors qu’elle...
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le 26 juin 2022
Kimberly Denise John est née en 1974 à Brooklyn, New-York. Une jeunesse compliquée, livrée à elle-même assez tôt, le deal comme moyen de s’en sortir.
Sa rencontre avec The Notorious BIG alors qu’elle n’a pas 20 ans va tout changer. Ce dernier va lancer le groupe Junior M.A.F.I.A. (que des amis d’enfance) en y invitant la rappeuse. Il en sortira “Conspiracy”, un album qui connaîtra un vrai succès (certifié disque d’or).
Puis, Kim a très vite voulu voler de ses propres ailes.
Biggie, avec qui elle va vivre une histoire fusionnelle et houleuse à la fois, en sera le producteur exclusif, la main directrice de l'un des artisans lyriques les plus magistraux du rap donne à Hard Core un vernis et une direction rares pour une première sortie. Il y apparaîtra vocalement aussi, ainsi que d'autres comme Jay-Z , les rappeurs de Junior M.AF.I.A. et Sean “Diddy” Combs. Ce dernier faisant partie de la douzaine de producteurs participants, tout comme Jermaine Dupri ou Stevie J.
Comme son nom l’indique, l'album présentait un rap hardcore avant-gardiste et une sexualité explicite qui étaient à l'époque deux territoires qui apartenaient aux rappeurs masculins. Il est, et c’est très important avant de parler du fond, superbement produit, alternant bangers, saveurs R&B et ballades hip-hop.
Cul cambré, à quatre pattes sur une carcasse d'ours polaire à côté d'une bouteille de champagne dans un une pièce chatoyante, Lil' Kim de 21 ans orne la pochette de Hard Core . La tête penchée, elle vous regarde avec séduction, vous faisant signe de la rejoindre dans un voyage de 15 pistes qui vous laissera bouche bée. C'est un voyage glorieusement sale. Un univers alternatif où les rôles sont inversés et les femmes possèdent le pouvoir. Et Lil 'Kim, se référant à elle-même comme la Queen Bee (bien avant que Beyoncé n'adopte l'épithète) savoure sa domination lignes après lignes.
“The moral of the story is this / you ain’t lickin’ this, you ain’t hittin’ this,” crache-t-elle sur " Not Tonight ", un hymne au plaisir féminin, qui affirme que tous les gangsters ont intérêt à manger leur(s) partenaire(s) s'ils attendent des faveurs sexuelles en retour. Le minimalisme doux du morceau teinté de R&B des années 80 de Jermaine Dupri donne de l'espace à la voix de Kim. Et au crochet scandé par des femmes : “I don’t want dick tonight, eat my pussy right!” N'est-ce pas magique ?
L'humour mis à part, dans un genre qui a tendance à traiter les femmes comme un butin, une femme rappant sur l'égalité des chances sexuelles est en fait, une déclaration profondément politique. Et Lil' Kim l’a montré sur Hard Core.
De l'anal au plan B, aucun sujet n'était interdit. Des morceaux comme “We don’t need it” et “Big Momma Thang” ont engagé un dialogue social sur l'indépendance sexuelle des femmes. Une femme MC crachant sur ce sujet était radicale à l'époque, un peu moins maintenant. À ses yeux, les hommes étaient des produits jetables (“Suck him to sleep, I took the keys to the jeep / Tell him ‘I’ll be back,’ go fuck with some other cats,”), des objets sexuels pour la satisfaction féminine plutôt que l' inverse. Et si un gars n'accomplissait pas son « devoir », la vengeance de la Queen Bee était rapide, des coups de pied au cul.
Mais pour être tout à fait honnête, Lil 'Kim ne défendait pas exactement l'égalité des sexes, mais rappait plutôt sur la domination féminine.
Mais avant de la condamner pour avoir craché une rhétorique qui divise, réfléchissez à l'époque dans laquelle elle opérait. Le milieu des années 90 a été l'apogée du gangsta rap et a marqué une explosion hip-hop qui a produit certains des MC les plus mémorables du genre, et je ne vous apprend rien, pour la plupart des hommes.
Le hip-hop est devenu pour le grand public ce que le rock était dans les années 60, si vous voulez : la musique des gosses que les parents ont mal comprise. Et les rappeurs eux-mêmes sont devenus des héros, des dieux même. Cela signifiait que c'était le monde de Notorious BIG et 2Pac, et dans leur monde, il fallait des extrêmes pour attirer l'attention. Et même si elle était peut-être la protégée de Biggie, Lil' Kim a clairement indiqué qu'elle ne se perdrait pas dans son ombre.
Ce n'est pas seulement son message qui a rendu Lil' Kim révolutionnaire, mais la façon dont elle l'a exprimé.
La meuf était frontalement sexuelle et coquine, parfois méchante et sale, sans cacher aucun détail à l'auditeur. L’incroyable intro où un gars se dégorge le poireau dans un cinéma porno, en contemplant un film dans lequel on comprend que Lil’Kim en est l'héroïne et qu’elle est en train de se faire remplir l’abricot était un vrai choc venant d’une rappeuse à l’époque, croyez moi! Elle ne se contentait pas de dire “mange-moi”, mais plutôt : “Now kiss the lips without teeth.” Et sa mode, dans le prolongement de sa musique, imitait également son amour d'aller trop loin. Elle était de toutes les couleurs dans le clip de "Crush On You", et n'oublions pas son look incroyable et violet aux VMA 2001, et l’entrée de Diana Ross qui ne peut s’empêcher de toucher le sein de Lil Kim, tout juste couvert au niveau du téton!
Aujourd'hui, il est facile de minimiser l'exploit de Lil' Kim avec Hard Core, mais c’était tellement intrépide et ses paroles vous feront toujours rougir. Le seul inconvénient est que c'était peut-être un album si fort qu'il a rendu toute la carrière qui a suivi décevante. Hard Core était peut-être le genre de disque qui plaçait la barre trop haut pour son créateur, car même 25 ans plus tard, aucune femme MC n'a jamais atteint son niveau de vulgarité politique qui suscite autant la réflexion qu’à l’époque.
Alors si on accepte que le hip-hop hypersexualise les femmes, acceptons qu’un femme se sexualise.
Le problème, c’est que cet album n’a pas aussi bien enfanté que ce qu’on pouvait attendre bien que Kim ai fait entrer les femmes dans les années 2000 avec une confiance que nous n'avions jamais vue auparavant. Je ne peux pas ignorer et ne pas citer Nicki Minaj mais ce n’est pas tout à fait l’héritage de Kim.
Oui ces Rappeuses d’aujourd’hui (Cardi B, Megan etc) très sexuelles sont là grâce, en parti à Queen Bee mais force est de reconnaître qu’elles font, je trouve, plus le jeu du machisme ambiant en se comportant comme un sextoy (ou une p***) qu’une vrai femme indépendante, c’est dommage…
Son héritage est un peu retombé comme un soufflet, et c’est une raison de plus pour ériger HARD CORE en objet musical véritablement culte.
Créée
le 26 juin 2022
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