Il est des critiques qui mettent longtemps avant d’accepter de naître, elles ont peur de ne pas être à la hauteur, d’être mal-aimées. Car trouver des mots et des phrases imparfaites sur un album qui est tout le contraire, un texte à la mélodie chancelante sur un album qui chante à la perfection, voici tout ce que peut être une critique de Harvest, l’album qui fait mentir ceux qui pensent que la perfection n’est pas de ce monde. Plus qu’un classique, cet album est devenu avec le temps un marqueur de l’histoire musicale, un carrefour par lequel il convient de passer si l’on veut accéder aux plaisirs suprêmes du mélomane.
C’est une tâche presque impossible de mettre les mots justes sur ce que donne à ressentir Harvest. Il y a les sensations immédiates, celles de la mélancolie et d’un certain vague à l’âme qui vous envahi quand vous vous laissez transporter dans l’univers country-folk de Neil Young. Sa voix déborde de sensibilité, de cette sensibilité palpable qui vous parcourt de la tête aux pieds, chaque note, chaque mot semble vous parler intimement et vous rappelle aux moments marquants de votre existence, les meilleurs comme les pires, le plus souvent les pires, c’est vrai…
Il y a aussi le plaisir absolu d’être à l’écoute d’un album dont chaque morceau est brillant et c’est là qu’est cette perfection, rien à ajouter rien à retirer. Chaque chanson est indispensable à l’édifice est apporte sa touche de couleur plus ou moins gaie à cette peinture. Il y a surtout cette voix fascinante, qui instantanément vous transporte dans les endroits les plus reculés des Etats-Unis où vous roulez dans un vieux pick-up poussiéreux en croisant des trucks rugissant leur soif d’asphalte, pour finalement vous arrêter dans un bar pour bikers, y jouer aux fléchettes tout en avalant une bonne bouteille de Bud. C’est à cet imaginaire, fantasmé ou non, que fait appel Neil Young, c’est comme cela que sonne cet album, comme une invitation au voyage, à la découverte des autres et de leur culture. Tout plaquer, prendre son plus vieux Levis, son sac à dos et parcourir la Route 66, ce qu’il en reste.
Il n’y a rien au-dessus de Harvest (point de vue tout à fait personnel et subjectif, mais pas que…), chef-d’œuvre absolu de la capacité de l’homme a susciter par la musique le rêve chez son prochain. Cette succession de notes et de paroles vous mettra à genoux, vous faisant soudain croire au divin, vous qui vous faisiez fort de rester un bon païen jusqu’au Jugement Dernier. Neil Young a engendré le Beau musical, nous faisant passer par toute la palette des états émotionnels, allant jusqu’à en créer de nouveaux que nous ignorions. Comment rendre justice à cet album qui mérite le plus beau des compliments ? Il y a quelques années, un imbécile qui lui ne connaît rien au Beau, avait affirmé qu’une vie était ratée sans montre de luxe à cinquante ans. Il s’est trompé de peu, une vie est bel et bien ratée si l’on n’écoute pas Harvest avant cinquante ans…