Harvest demeure un album assez étrange, c'est d'abord celui du succès pour Neil Young, ce qu'il rejettera, lui qui préfère revenir dans le fossé selon ses propres mots, mais aussi son dernier album heureux pendant longtemps, alors qu'il rentrera en dépression par la suite, ce qui engendrera des disques sombres à l'image de Tonight's The Night ou On the Beach.
Si j'évoque d'abord le terme étrange pour qualifier cette galette du Loner, mélodique serait plus adapté, ainsi que pépite. Principalement acoustique, Harvest nous plonge dans une ambiance douce, lumineuse et mélancolique, où le canadien se montre d'une grande tendresse, sans jamais tomber dans la mièvrerie, bien au contraire, et faisant à nouveau preuve d'une inventivité sans faille. C'est tout simplement un album très beau, cohérent et surtout authentique, on a l'impression de se retrouver plongé dans l'Amérique profonde, celle des rednecks et de traverser les longues plaines entre l'Alabama et San Francisco, en passant par Nashville.
Neil Young propose un album teinté de folk et même de country, nous renvoyant aux origines de la musique populaire américaine et n'hésitant pas à ressortir son harmonica pour sublimer ses écrits, à l'image de la remarquable Out On The Weekend qui ouvre la première face. Il fait aussi appel aux violons, aux chœurs ou encore même au London Symphony Orchestra pour le surprenant There's A World, que l'on pourrait croire tout droit sorti d'une bande-originale de film. Accompagné par certains habitués, le groupe Stray Gators, Neil Young invite aussi quelques amis, notamment ceux du Crosby, Stills & Nash, ainsi que James Taylor et Linda Rondstadt. L'alchimie entre les musiciens est parfaite, ils jouent tous juste, il n'y a aucune fausse note, et bénéficient d'une production assez nette, sachant aussi transposer la sensation d'authenticité.
Au delà même de l'ambiance générale de l'album, chaque chanson est fantastique, à l'image du magnifique Old Man, avec la jolie voix du Loner répondant parfaitement aux chœurs de Taylor et Ronstadt, ou encore de son plus grand tube, l'imparable Heart Of Gold et ses airs folk-country sublimés par la guitare du canadien, ainsi que les touches d'harmonica. L'enregistrement en public The Needle And The Damage Done et son ton mélancolique, la longue et rock conclusion Words (Between The Lines Of Age), l'une de mes favorites du canadien, ou encore l'entêtante Are You Ready For The Country ? font de Harvest un sommet et un incontournable du genre.
La force du Loner c'est aussi sa façon qu'il a de te faire voyager, écouter Harvest, c'est partir sur les routes avec lui, participer à un road trip musical où l'on passe de la tristesse à des riffs bien rocks en passant par des paroles fortes et engagées. Si c'est parfois dommage de voir cet album trop mis en avant par rapport à certains autres disques qui sont aussi géniaux, voire encore mieux, c'est aussi compréhensible tant on retrouve ici plusieurs facettes du canadiens mêlés à une grande créativité et une parfaite alchimie entre les musiciens.
Quelque temps avant la disparition de son ami guitariste Danny Whitten du groupe Crazy Horse qui le plongea dans une dépression, Neil Young signe l'un de ses sommets avec Harvest, celui de la reconnaissance, méritée mais qu'il rejettera, un album authentique, mélancolique ou encore créatif, où il nous fait participer à un voyage sur les terres sauvages américaines au son de sa magnifique voix et du remarquable groupe l'accompagnant.
Tracklist :
Face A :
Out On The Weekend
Harvest
A Man Needs A Maid
Heart Of Gold
Are You Ready For The Country ?
Face B :
Old Man
There's A World
Alabama
The Needle And The Damage Done
Words (Between The Lines Of Age)