This is a classic ! Le disque à mettre dans sa discothèque réelle ou virtuelle, et à écouter de temps à autre, comme on prend rendez-vous pour une rencontre. C’est le disque qui surprend à chaque fois qu’on l’écoute, pour sa nouveauté jamais démentie, tout le temps en avance, sur ce qu’on écoute en ce moment. Instrumental, jazz-funk. Un modèle du genre, le mélange est parfait. Chameleon, met tout le monde d’accord. Ceux qui aiment le jazz, ceux qui n’aiment pas le jazz, ceux qui aiment le funk, la pop, la funk, ceux qui aiment la dance, tout le monde. Le rock, la musique classique. Le talent de cross over d’Herbie Hancock dans toute sa splendeur. Traverser plusieurs genres, et en tirer le meilleur à chaque fois. Nous sommes en 1973, on n’aurait pas dit. Le Fender Rhodes lance des étoiles, des fils électriques multicolores, et fédère toutes les oreilles de la planète. Le 21 juin, le jour de fête de la musique, il aura un groupe qui va jouer ce morceau, Chameleon, sans même savoir qui est Herbie Hancock, tellement ce riff de basse est devenu universel. Et dans la foule, tout le monde va applaudir, car ils sauront que ce morceau, ils l’ont déjà entendus quelque part, et qu’il est génial. Il y a des morceaux comme ça. 15 minutes qui donnent l’impression de durer 5, parce que le temps s’est arrêté... Chameleon.
Il ne voulait pas de jazzmen sur cet album, Herbie. Il voulait des musiciens de funk, qui savent jouer du jazz, et pas le contraire. La différence est ÉNORME, et s’appelle le GROOVE. Le deuxième morceau c’est une surprise, une reprise du classique Watermelon Man. Une reprise de Herbie Hancock, par Herbie Hancock, on n’est jamais mieux servit que par soi-même. Et pendant toutes ces années, je me suis demandé avec quel clavier il avait inventé ce son si particulier, qu’on utilise pour l’intro. C’est une orgue ou un synthé ? Un effet quelconque qu’on a inventé pour l’occasion? Un son de flûte céleste ? C’est quoi ? On dirait le son d’une flûte en bambou qui survole l’espace. Ou un oiseau inconnu, caché dans la forêt amazonienne, qui appelle sa femelle de façon insistante, à l’époque des amours, pour faire ce que vous savez. Pour faire crack crack. Ou des grenouilles qui font un concerto à une voix, et bien plus encore. ……En fait, c’est une vulgaire goulot de bouteille qu’on souffle dedans ?!! Génial ! Et voilà comment un morceau afro-cubain à mort, devient funk-expérimental à mort. Comme quoi, les choses les plus compliquées sont parfois les plus simples. C’est ce que j’appelle en avoir sous le pied, nous surprendre avec trois fois rien. Mention spéciale à la rythmique basse / batterie / percu, que du lourd en rythmique, jamais prise au dépourvu par le groove, en faux tempo médium.
Avec Sly, on revient à une funk un peu plus jazz, plus fusion, rythmiquement, ça s’accélère, et on l’impression d’une jam-session, complètement improvisé, et complètement lumineuse, avec un solo de sax vertical ! Et des envolées de Fender Rhodes pas que verticaux, mais concaves, et convexes, toujours dans le groove. On a envie de danser, on a envie de s’écouter danser, puisque c’est de la musique instrumentale, d’écoute. La danse qui s’écoute. Laissons les génies s’exprimer, apparemment, ce morceau est nommé en hommage à Sly Stone, un autre gros malade dont on reparlera un de ces jours.
Et puis ce fût, Vein Melter est un slow spatial. Là, le Watermelon Man chevauche le Chameleon, et se met sur orbite. Bonne écoute à tous. Taisons-nous, et écoutons. Incroyable, une telle facilité à l’écouter, alors que l’exigence d’écriture est évidente, ça à l’air presque facile. Aucun album de jazz ne donnera cette impression de « coolitude », cette impression de simplicité très pop, cette proximité teintée de respect ; tout sauf barbant, le truc; en tout cas la rencontre du jazz et de la funk version Hancock, l’idée fut géniale, et a donné un des meilleurs albums du siècle passé, toutes catégories confondues. Dans ma collection, of course.