Heaven & Earth
3.6
Heaven & Earth

Album de Yes (2014)

Chroniquer un album de Yes relève aujourd’hui de la gageure tant la formation britannique tient du sanctifié pour tous les amateurs, de près ou de loin, d’un rock progressif classique. Avec des œuvres fondatrices (The Yes Album – 1971, Close to The Edge – 1972, Fragile – 1972), fondamentales (Going For the One – 1977), commerciales (90125 – 1983) ou nébuleuses (Union – 1991, Open Your Eyes – 1997), la discographie de Yes est un véritable champ de mines qui peut vous sauter à la figure à n’importe quel morceau, n’importe quel moment. Pour résumer, YES c’est l’esprit du prog rock partagé avec Genesis, King Crimson, Van Der Graaf Generator et Pink Floyd. C’est aussi, un navire chancelant qui poursuit son retour après le très estimable Fly From Here (2011).


Pour Heaven & Earth (dont on peut retirer quelques concepts physiques et métaphysiques), nous retrouvons la même formation d’instrumentistes (Chris Squire, Steve Howe, Alan White, Geoff Downes) autour du nouveau chanteur Jon Davison (en remplacement de Benoît David) tout frais transfuge du très “yessien” Glass Hammer. Le résultat est une tessiture vocale qui ne bouge quasiment pas et stationne dans les sentiers battus par Jon Anderson laissé sommairement sur le bas côté sans qu’il n’ait spécialement à le regretter. Dès « Believe Again » et sa ritournelle enrobée de miel à faire imploser un diabétique, on se met à douter. Certes, tout cela roule en droite ligne de ce que le groupe a pu produire, mais ces sons de claviers un peu cheap et ces airs de rien transforment la chose en coquille vide. Avec « The Game », on souffle un peu, avec un style plus proche de celui des années 90, celui de Talk (1994), avec en (sur)plus une pincée de Coldplay dans les chœurs. Steve Howe enchaîne les tricotages, très bien fichus, très bien exécutés, et prend tout naturellement le lead. A ce stade, on peut encore être assez indulgent même si tout cela sent la naphtaline.


Outre une production frileuse, le gros problème de ce énième album reste une production transparente flanquée d’une section rythmique monolithique et essoufflée. Là où White et Squire auraient pu insuffler une folie bienvenue, les lignes proposées restent dans une zone de confort ne parvenant pas à élever des compositions essentiellement anodines : le kitsch « Step Beyond », la ballade très Beatles « In A World of Our Own » sauvée par une partie solo et un final un peu plus emballant, « The Light of the Ages » qui se veut biscornu mais qui tourne à vide. Sans être trop exigeant, on pourra trouver le pop-folk-rock seventies « It Was All We Knew » sympatoche et assez planant. Tout cela fait irrémédiablement penser à Asia, au point que l’on pourrait légitimement se demander pourquoi Steve Howe a quitté les uns pour les autres sur fond de divergences musicales. Peut-être pour pouvoir s’amuser sur du plus charnus comme les neuf minutes de « Subway Walls » qui s’offre un groove jazzy plutôt intéressant et un son vintage moins ripoliné même si le final enfonce les portes ouvertes.


Cet album en demi-teinte (pour rester le plus sympathique possible) tranche évidemment avec les espoirs placés dans Fly From Here qui était certes une resucée de l’époque Drama (et pour cause, le morceau titre datant de l’époque), mais où existait de la substance et une production bien équilibrée qui savait relever la sauce. Ici, Yes fait le travail avec un manque flagrant d’esprit d’aventure, revenant à ce style entre deux eaux qu’il pratiquait au début des années 90. Pas certain que cela soit la meilleure idée aujourd’hui. .


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AmarokMag
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le 17 avr. 2015

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