Avec The Midnight, la tentation est toujours présente de prendre le train des "c'était mieux avant". Il y a toujours de la place sur ce genre d'engins.
Le parti pris du groupe est risqué. Célébrer la nostalgie jusqu'à la nausée peut amener vers une forme d'épuisement. On ne peut pas regarder en arrière éternellement, le gimmick finit par tourner à vide. Le problème est que l'innovation et le changement sont eux aussi dangereux, le groupe risquant alors de voir ses fans se retourner contre eux, en réclamant le retour de la période antérieure. Le temps où les premières productions avaient la fraîcheur de la nouveauté. C'était la période où The Midnight se hissait en haut de la production synthwave par un mélange d'arguments aujourd'hui encore fugaces : étaient-ce ces claviers finement ciselés ? Cette voix androgyne à fleur de peau ? Ce saxophone inattendu ? Difficile d'apporter une réponse tant chaque album semblait rajouter la dose suffisante de réinvention pour qu'on ait envie de continuer le voyage. "Heroes" est désormais là, succédant à un "Monsters" sympathique mais parfois plat, ce qui a été pris par certains comme l'assurance d'un déclin à venir.
Ce qui saisit en premier dans cette nouvelle livraison, c'est d'abord le sentiment d'apaisement qui y est dégagé.
Plus léger, plus étoilé que ses prédécesseurs, l'album semble moins porté sur les paysages synthétiques. Fini la fausse complexité des accords vaporeux. L'heure n'est plus à l'ébauche des grands espaces. Il s'agit désormais de s'assurer que ces derniers sont suffisamment praticables pour pouvoir y habiter. L'inconvénient de jouer sur le synthétique, c'est qu'on peut y perdre le naturel. Les machines ne rêvent pas du passé, seuls les hommes le font. "Heroes" semble s'imposer comme l'album où The Midnight semble enfin trouver un équilibre entre l'apparente infaillibilité de la machine et la fragilité de l'être humain. Cela passe alors par une guitare plus présente, une voix plus affirmée. En puisant plus amplement dans ses références new wave, le groupe incorpore une nouvelle facette à sa musique. Les morceaux en deviennent plus pêchus, plus habités.
Sans révolutionner le monde de la synthwave, The Midnight assure qu'ils ont encore des choses bien singulières à dire. Fondamentalement incomparables, ils le sont également envers eux-mêmes lorsqu'on tente de les renvoyer à leur propre histoire. Certes, il est toujours possible de boire à la fontaine de la nostalgie, mais parfois l'on s'étonne que le goût que l'on pensait retrouver n'est finalement pas tout à fait le même. Et ce n'est pas grave.
Avec "Heroes", j'aurais aimé pouvoir prendre en marche le train des espoirs déçus, mais voilà, manque de pot, il est passé dans une gare où je ne me trouvais pas.