Un nouveau chapitre du livre de Nayvadius.

Avant de commencer, deux points importants à préciser :
- Pour moi, l'album compte 16 titres. Les singles déjà sortis, se trouvant aux 5 dernières positions, sont des titres bonus, déjà entendus. Je n'y reviendrais pas.
- Je suis un fan incontesté de Future alors rester objectif est compliqué pour moi.

Voilà, le huitième album de Monsieur Nayvadius DeMun Wilburn est là.
Et il se nomme "High Off Life".

Même s'il est sorti depuis un peu plus de 24 heures, plusieurs écoutes ont été nécessaires pour écrire ces lignes. Car, au vu des critiques et notes diverses, les auditeurs sont déçus. Pourquoi? Parce que déjà, comme cité juste au dessus, la sortie est toute fraîche. Et croyez moi, ça a son importance, capitale.

HIGH OFF LIFE est l'album de Future le plus difficile à appréhender.
A la première écoute, les plus bourrus diront qu'il utilise le même modèle sonore, le même registre vocal et la même production pour évoquer les mêmes sentiments à travers les mêmes thèmes vocaux depuis près d'une décennie.
Il se nomme probablement lui-même "The Wizard" (le sorcier), parce que cet homme ne vieillit jamais. Et c'est remarquable.

Oui, tout au long de "High Off Life", il parle des mêmes relations hantées dans la même perspective tordue, et pourtant nous continuons à écouter piste après piste, album après album. Parce que la façon dont il en parle semble un peu plus sacrée, un peu plus convaincante et un un peu plus "boss" que tout autre artiste.
"High Off Life" présente Future pour donner aux gens ce qu'ils attendent.
Nous avons un romantique désespéré qui savoure les fantômes de son passé et refuse de détourner le regard de la prospérité de son présent. L'innovateur du rap, âgé de 36 ans, livre un autre souvenir de longue haleine d'armes à feu, de gloire, de filles, de drogues et de démons avec des flux suaves et des cadences hypnotiques sur des productions percutantes ou exaltantes, au choix.

Une chose est sûr, l'album est trop long. les singles de fin de projet n'ont aucunement leur place ici, même si "Life is Good" est évidemment un des titres de l'année.
Mais réduire l'album à sa longueur serait être de mauvaise foi. La course aux streams est sûrement la raison principale de ce défaut.

Malgré cela, "High Off Life" mérite d'autres écoutes. Le public d'aujourd'hui est submergé par la mondialisation, la consommation, la musique "fast-food", l'émotionnel. La subtilité des sentiments disparaît à raison d'une euphorie souvent passagère.

"High Off Life" est en fait de la musique de rue. Pas dans le sens "street - Gang Gang".
Je m'explique :
Cet album est plus à sens unique artistiquement et semble plus méchant que les derniers projets de Future. Sur chacun de ses LP précédents, il y avait un hit radio évident, une bombe qui était destinée à être joué partout tout l'été. Ici, les chansons demandent toujours à être jouées et rejouées. Mais elles sont plus destinées à l'écoute dans une voiture qui roule loin, lors d'une séance avec Marie-Jeanne et ses potes ou en pleine introspection personnelle plutôt que dans un club ou lors d'une fête à la maison.
Ce huitième album est celui qui se bonifiera avec le temps, je le pense. Aussi faut il lui donner une chance.
Future a gagné le titre de "Toxic King", et je peux dire qu'il est à la hauteur de son rôle sur l'album. Il grandit à certains égards, mais il est toujours sauvage et il n'a pas peur de le montrer. Et tout au long du projet, Pluto saupoudre des paroles qui reflètent son style de vie de célibataire téméraire.

Parmis cette multitude de titres présents sur l'album, il y en a évidemment une poignée qui sortent du lot.

"Trapped in the Sun" donne le ton en ouverture avec une belle prod de Will-A-Fool. Future rappe son histoire bien connue de revendeur devenu rappeur et empile les fanfaronades comme s'il n'y avait pas de lendemain. La piste est cinématographique dans le sens où elle ressemble à la chanson qui marquerait une scène dans un film où l'ancien gangster retourne à son ancien terrain de jeu avec toutes les richesses et les démons du monde.
Sur "Touch the Sky", la production inquiétante de Southside signale l'entrée du côté toxique de Future. La livraison est mortelle; Seul Future peut faire une phrase comme «Je peux dire qu'elle a un homme d'après la façon dont elle m'a envoyé un texto». Héhé.
"Ridin Strikers", est également la chanson la plus ambitieuse du projet. VOU, ATL Jacob & Southside à la prod. Exceptionnel niveau sonore. Beat Trap sombre et gracieux, Future pose comme il se régale de le faire. Il n'y a pas meilleur dans ces moments là. Le rythme ralenti vers 02:10, un outro chargé d'inquiétude et ce beat épais, ce pourrait être l'un des meilleurs titres de l'année de Future jusqu'à présent.
"One of My". Une construction simple. Wizard prend son temps. Sa texture vocale est le ton parfait pour une histoire de fantômes. Future vit ses raps, c'est encore plus criant ici.
Sur le froid "Posted with Demons", Future crache des barres sur les rues qui "ne vous tuent pas/ Ça va vous rendre plus fort." Le rythme obsédant complète le refrain «tu n'as pas fait la merde que j'ai fait». Une chanson sinistre mais captivante.
"Up the River" voit Future approfondir la façon dont il utilise l'alcool et les drogues pour fuir son traumatisme. La ballade Trap dirigée par un piano et ces notes de basses enveloppantes soulignent des lignes comme «Encore et encore, je dois verser, je dois rouler / Je dois couvrir mes blessures de guerre, pas le temps d'être sobre». Encore une fois, nous voyons que Future est conscient de ses actes répréhensibles et de leur impact sur son humeur actuelle de non-accomplissement.
Sur "Trillionaires" Youngboy profite de toute l'attention pour montrer son haut niveau.
Future avec chante son cœur. Il m'avait un peu manqué de chanter. Youngboy chante aussi, et il est bon, vraiment bon. "Trillionaire" est un titre pour l'évasion.
Un autre featuring de qualité, c'est celui de Travis Scott. sur "Solitaires".
Future et Travis font des va-et-vient sur un rythme Trap extra-atmosphérique typique La Flame. Délicieux.
Le titre avec Uzi, "All Bad", est finalement plaisant après s'être aperçu et avoir accepter qu'ici Future venait s'amuser, faire des châteaux de sable, de la balançoire sur le terrain de jeu de LUV.
La déception sur HOL se trouve sur "Harlem Shake". Young Thug semble totalement dispensable. Pire que ça, je pense même qu'il sabote le titre car Future seul dessus est agréable. Sa désinvolture dans le flow et même séduisant.
Et le meilleur pour la fin. La vraie outro de High Off Life. "Accepting my Flaws", reprenant les chœurs de "Death Raw" de G Herbo (où future était lui même en featuring!) La ballade émotionnelle voit Future reconnaître ses propres défauts autant qu'il remercie son ex-petite amie Lori Harvey de l'aimer malgré ses péchés alors qu'ils étaient encore un couple. Il s'ouvre avec des paroles comme «J'ai essayé de combattre mes démons, Je lui dis toujours qu'elle est ma thérapie, Je lui ai dit que c'était dur. » Future va à des profondeurs émotionnelles que nous n'avions pas vues depuis HNDRXX .
Reste quelques titres qui, en leur absence, auraient allégé le projet pour le meilleur du résultat final. Ainsi, Hard to choose one, (un titre fait pour Gunna, carrément), Pray for a Key, Hitek tek et donc Harlem Shake ne sont pas assez solides à mon goût.

À son crédit, Future comprend qu'il est attendu mais a l'air de s'en foutre.
Le genre d'artiste qui suit un chemin désigné de boucles, de torsions et de virages sans perdre la fureur qui rend chaque trajet passionnant.
High Off Life adresse de nouvelles attractions à son parc à thème sombre et tordu.

C'est un voyage à travers un terrain de luxure toxique, de paranoïa sans sommeil, de riches vantardises et de traumatismes profonds.
Surtout, c'est un autre chapitre du livre de Nayvadius.
Nous avons un évangile familier entre nos mains.

8/10