Disque à l'allure faussement apaisée, "High Violet" est pourtant le plus sombre et agité de leur discographie. Misérablement entraînés comme l'eau à travers un siphon par leurs peurs et leurs frustrations, tiraillés comme jamais entre chair et esprit, les personnages, confessant eux-mêmes leurs troubles, essaient de composer avec la faillite du réel devant l'inévitable développement des simulacres, cherchent un Dieu dans un monde tentant vainement d'éjecter Sa présence pour mieux se vautrer devant des idoles moins exigeantes. Bataille spirituelle incessante dont les artistes nord-américains sont décidément obsédés. La face sombre du groupe n'a jamais été exprimée avec une telle puissance parce que la lumière qui la crée n'a également jamais été aussi forte, finalement si crue, illustration parfaite avec la somptueuse "Conversation 16", dont les quelques minutes de la seconde partie font partie des moments les plus émouvants qu'aient écrit les Américains. Nageant en eau trouble mais dépourvu d'affectation, "High Violet" est l'album que l'on espérait recevoir du groupe sans oser le rêver.