Gros funk groovy coloré et jazzy !

Aaah ben voilà ! Y avait qu'à demander !

Je m'énervais encore il y a trois mois du fait que Prince passait son temps sur les derniers albums (Plectrum Electrum, Art Official Age et HitnRun I) à ne sortir que ses morceaux les plus impersonnels et les plus vulgairement racoleurs, négligeant par la même occasion les bonnes choses qu'il continuait pourtant à enregistrer à côté ("Stare", "Free Urself", "Da Bourgeoisie" ou "Extraloveable" notamment).

Ce n'est rien de dire que HitnRun phase two efface la déception ressentie à l'écoute de la phase one de septembre ; ça la fait carrément oublier puisqu'il s'agit rien de moins du meilleur album de Prince depuis The Rainbow Children en 2001. Ça remonte ! Il y avait eu des choses intéressantes éparpillées sur les disques parus depuis 15 ans (notamment sur 3121 et LOtusFlow3R/MPLSound et des digital singles en vrac), certes, mais ils étaient aussi tous plombés par des ratages pénibles. Cette fois, ce n'est pas le cas. Il y a bien des morceaux plus anecdotiques ("Screwdriver" qui rappelle décidément beaucoup trop par moments l'horrible "Betty Davis Eyes" de Kim Carnes, ou "Baltimore" réarrangés pour l'occasion), mais aucun n'est véritablement mauvais. Quant aux vrais bons titres, ils sont nombreux : "Stare" et "Xtraloveable" donc, "Black Muse", "2 Y. 2 D." (wahou ! cette flûte !)... enrobés de cuivres seventies et de claviers, qui évoquent immanquablement la période orange de Stevie Wonder (1972-1976).

Tous ces morceaux ont été enregistrés dans la période de création des trois albums précédents (et même plus tôt pour certains : "Black Muse" et "1000 Light-Years Away" datent de 2010, "Xtraloveable" *, "When She Comes" et "2 Young 2 Dare" de 2011), on pourrait donc considérer qu'il s'agit en réalité d'une anthologie de morceaux plus ou moins inédits et inaccessibles, enregistrés depuis le début de la décennie. Mais ce n'est pourtant pas une bête compilation de morceaux disparates, rassemblés pour faire un album. Prince a retravaillé certains titres pour donner justement à celui-ci une patine très agréable qui manquait aux trois précédents. Le big brass band fait par exemple des merveilles sur "Rocknroll Loveaffair" qui devient du coup beaucoup plus vivante et fait passer la gentille et sage version de 2012 pour une démo. HitnRun II a une véritable homogénéité et une identité funk-jazz-groove très affirmée. C'est du pur Prince. Même les ballades sont débarrassées des oripeaux insupportables du Arènbi (malgré les claquements de doigts persistants de "Groovy Potential") qui polluent depuis quelques années des chansons qui auraient pu être vraiment meilleures sans cela. Ici, "Revelation", "Look at me, Look at U" ou "When She Comes" (cette dernière fait beaucoup penser à Al Green) sont exécutées sans fioritures et sans ostentation. Ajoutons à cela que lorsque le petit bonhomme violet décide de se faire accompagner au chant par une voix féminine, il ne s'agit plus d'une rappeuse vulgaire qui éructe son verbe ou qui anone, non non, c'est juste une chanteuse qui chante. Et ça change tout.

Alors, pour chipoter, on pourra dire qu'on regrette l'absence de "Free Urself" et de "Da Bourgeoisie" qui n'auraient pas dépareillé sur le disque, mais lorsqu'on écoute l'excellent groove funk de "Big City", on pardonne les yeux fermés - et les oreilles grandes ouvertes - en espérant que HitnRun phase three* contiendra (peut-être dans trois mois ?) des pépites du même calibre autour des quelques chansons qui manquent encore à notre collection.
On aimerait également que l'album paraisse physiquement dans le monde réel, parce que contrairement aux trois précédents, celui-là on l'achèterait avec plaisir.

Joyeux Noël !

(*) "Xtraloveable" est en fait un remake de "Extra Loveable" enregistrée à l'origine en 1982 (avec beaucoup de guitare dedans) à l'époque de 1999 pour l'album de Vanity 6.

(*) Il faut juste espérer que HitnRun III ne soit pas le deuxième album de 3rdEyeGirl.