Après la chronique de Tom sur les excellents Alabama Shakes, je me devais de vous parler aujourd'hui de Michael Kiwanuka qui a d'ailleurs gagné sa place dans notre Playlist d'avril. Leur point commun est de faire partie d'une habile invention médiatique, celle d'un retour de la soul rétro. A l'instar des Strokes et de leur premier album, symbolisant le retour des rockers à guitares saturées et de l'enviable statut de groupe en "The", Michael Kiwanuka nous rappelle une époque où la musique noire était emprunte de spiritualité, d'intégrité et d'authenticité. Ayant toujours à l'esprit la musique de ses aïeuls, il part en croisade, seul avec sa guitare, contre l'empire Auto-Tune en nous offrant un album honnête, au sens noble du terme. Assurément l'un des albums de l'année 2012.
Cet humble chanteur de 24 ans est originaire de Muswell Hill, quartier de la banlieue nord de Londres et vient de sortir son premier album, Home Again. Il vogue au travers des influences de la musique noire mais pas seulement, puisqu'on ressent en effet la présence des grands songwriters nord-américains comme Bob Dylan (The Freewheelin' était son disque de chevet) ou Neil Young. Son regard s'illumine à l'évocation du nom de Shuggie Otis, artiste des années 60-70 et auteur d'un des plus hallucinants albums de l'histoire, Inspiration Information, genre hybride, passerelle entre la musique noire et la pop (notez mon enthousiasme, justifiant ainsi cette digression).
Dans la lignée de Terry Callier et Bill Withers, monstres sacrés, pionniers d'une soul teintée de folk, le jeune Michael compose d'abord ses morceaux seul à la guitare. On le ressent directement par l'intimité qui se dégage de ses compositions et la "force tranquille" qui en émane. La dizaine de morceaux du disque forme un bloc puissant sous ses airs délicats. Les compositions sont soutenues par des arrangements sobres et raffinés.
Le morceau d'ouverture, Tell Me A Tale, a l'étoffe d'un classique permettant à Michael Kiwanuka d'atteindre pour la postérité sa place dans l'histoire de la musique noire. Le chant halluciné est inspiré, la ligne mélodique sublime et le solo cosmique du saxophone touche au divin. I'll Get Along est typiquement le genre de morceau attachant qui vous fera vous sentir bien plus vivant que vous ne pensez l'être. La voix du soul man, tout en retenue mais profonde à la fois donne vigueur à ses incantations. La pochette confère à l'ensemble le bon goût d'un artiste élégant, conscient de l'héritage qui le précède et désireux de rendre hommage à une certaine histoire de la soul.
Outre ces deux titres enchanteurs, l'album recèle de pépites telles que I'm Getting Ready, Bones, I Won't Lie, Worry Walks Beside Me ou Home Again, magnifique titre qui l'a propulsé vers les sommets.
Pour la petite histoire, Michael Kiwanuka envoya ses chansons à Paul Buttler des Bees, formation pop anglaise. Eblouit par la beauté de ses compositions, Paul l'invita à enregistrer ses chansons dans son studio, chez lui, sur l'île de Wight (lieu au combien symbolique pour tout amateur de musique). Par la suite, son talent lui permit de rejoindre les rangs du mythique label de Détroit, la Motown. Suggérant aux oreilles de tout amoureux de musique des tubes et des artistes éternels (Marvin Gaye, Stevie Wonder, Smokey Robinson, The Supremes, The Jackson Five, etc.), Michael Kiwanuka signe ainsi son entrée dans le cercle restreint des grands musiciens soul. Cet homme simple, généreux, nous chante sa musique avec passion et honnêteté, et qui mieux que lui, ne peut la définir :
« Quand on tombe amoureux de quelqu'un, c'est pour tout ce qu'il représente, ses bons aspects comme ses défauts. On ne tombe pas amoureux d'une personne en couverture de FHM. Ce doit être la même chose pour la musique, elle doit être organique, vivante, incarnée. »
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