Après la digression électronique qu’avait été le diptyque de ses albums 1. Outside et Earthling David Bowie se livre, avec Hours… , à un véritable retour aux fondamentaux qui ont forgé sa légende de dandy de la pop au cours des dernières décennies. Si aujourd’hui cet album est malaimé et ignoré, c’est peut-être simplement dû au fait que ses fans de la première heure ne lui ont pas pardonné les deux albums précédents, ceux par contre qui l’ont découvert avec ceux-là se sont détournés de lui à son écoute.
Il y a pourtant tout Bowie dans cet album, l’artiste d’une classe folle que chacun sait, cette voix absolument unique et brillante qui résonne longtemps après la fin du disque, la pop maîtrisée dans tout ce qu’elle a d’envoutant. Le morceau qui ouvre ce disque en est la parfaite illustration, balade pop qui emporte l’adhésion dès les premières mesures et laisse présager l’excellent moment que nous allons passer. Alors oui, les synthétiseurs sont encore bien présents, mais ils ne sonnent ni comme un vieux Bontempi des années 80, ni comme de la techno des années 90. Bowie s’est enfin approprié l’instrument pour lui apprendre à murmurer plus en douceur à l’oreille des mélomanes. S’ensuivent des chansons qui, si elles n’ont pas l’audace des deux précédents disques, vont quand même explorer la musique jusqu’en Asie.
Bowie n’oublie pas non plus ces chansons terriblement émouvantes dont il a le secret, celles où son chant de fait plainte, comme sur If I’m dreaming My Life (magnifique chanson !), lorsque son timbre de voix nous arracherait des larmes à force d’incarner un chanteur au bord de la rupture. Il nous prend parfois par surprise, n’oubliant pas non plus que l’instrument n’est pas qu’électronique, comme sur Seven, superbe balade à la guitare sèche, peut-être une de ces chansons les plus touchantes qui rappelle Starman par cette voix posée et cette mélodie doucement ryhtmée. La mélancolie, plus que la tristesse, transpire de cette chanson et impose un silence presque religieux.
Hours… n’est pas le plus grand chef-d’œuvre de Bowie, mais il fait écho à plusieurs moments de sa carrière et remonte très loin aux origines musicales du dandy. Pour peu qu’on veuille bien se réconcilier avec lui, cet album pourrait bien être celui de la concorde entre fans de cinquante ans et fans de vingt ans. C’est là que s’illustre son talent, celui d’avoir été un artiste inaltérable, capable en s’imprégnant des musiques qu’il croise, de devenir une référence pour la plupart des mélomanes et des générations, il nous en lance ici au visage la plus magistrale des démonstrations.