Le trio de Brooklyn a quitté l’atmosphère terrestre.
Nous avions laissé le trio de Brooklyn Bear In Heaven dans les loges du point Ephémère fin avril 2010, plus motivés que jamais à conquérir le monde. Pourtant, à l’écoute de ce troisième album, on a le sentiment que le groupe a passé davantage de temps dans l’espace que sur notre globe.
Bear In Heaven est à l’évidence allé voir du côté des musiques expérimentales si l’herbe était plus verte, cultivant notamment une amitié musicale et créative avec le guitariste et trompettiste Rhys Chatham, ainsi qu’avec le label d’Atlanta, Table Of The Elements. Ce troisième album affirme plus que jamais ce penchant. En février dernier, le groupe l’a mis en ligne sur son site internet, en avant-première. Léger détail : il s’agissait d’une version ralentie de 400 000 %, afin d’atteindre une durée de diffusion de trois mois, devant s’arrêter pile poil le jour de sortie de l’album. Joli pied de nez à l’obsession du leak dans l’industrie musicale, cette expérience porte le doux nom de sound streching (vous trouverez du Justin Bieber ralenti assez facilement sur la toile).
A vitesse normale, entre 100 et 170BPM, I Love You It’s Cool semble retourner une idée dans tous les sens, d’où cette curieuse impression d’être en mode repeat, et que quelqu’un triture le pitch toutes les 4 minutes. L’album décolle comme une sonde atmosphérique : Idle Heart traverse plusieurs couches de l’atmosphère, The Reflection Of You poursuit le voyage stellaire. Tout d’un coup le temps se dilate : Jon Philpot intime « Dance With Me », le pitch ralentit et le morceau se met à dégouliner comme les couleurs sur la pochette de l’album.
A l’image de leur précédent opus Beast Rest Forth Mouth, Bear In Heaven créé des ambiances sombres et complexes, mais ici, les sons semblent rechercher encore plus de sophistication, se croisent et se défient. La musique de Bear In Heaven devient alors moins tribale et plus synthétique. Pas facile de faire une photo d’I Love You, It’s Cool dès les premières écoutes. L’album est torturé, dans le bon sens du terme, et il nous faudra quelques dizaines de lectures pour en sonder toutes les ambiances. Sa plus grande qualité est peut-être son aspect inclassable, et on apprécie que le groupe cultive sa singularité.
En revanche, côté chant, on en attendait plus de Jon Philpot, dont la voix ne décolle qu’à partir de World Of Freakout et son mantra »Night, dawn, day, dusk« . La Terre entame une nouvelle révolution. Elle paraît si petite vue de l’espace.