Bien que pas vraiment black metal stricto sensu, la vague black/thrash brésilienne mérite d’être mentionnée de par l’influence incommensurable qu’elle a pu avoir (et même encore maintenant) sur le black metal tel qu’on le connaît actuellement. Parmi les quelques formations qui ont sévi dans les années quatre-vingt sous l’étendard Cogumelo, Sarcófago demeure un de mes préférés notamment avec leur premier album, I.N.R.I.
Wagner Moura Lamounier, alors jeune adolescent, fonde le groupe aux côtés de Geraldo Minelli, ce après son départ du poste de vocaliste de chez Sepultura dont il fut un membre fondateur au même titre que les frères Cavalera ; il emmène d’ailleurs avec lui Roberto UFO qui ne reste que peu de temps et n’enregistre rien avec Sarcófago.
Le groupe commence par enregistrer trois démos (Satanic Lust et Blood Vomit en 1986, Sepultado en 1987), montrant de nettes influences européennes thrash extrême (Sodom, Bathory, Hellhammer) ; leur première sortie chez Cogumelo est un split avec leurs compatriotes de Chakal, Mutilator et Holocausto, les morceaux étant tirés de leur deuxième démo.
C’est clairement avec leur album I.N.R.I. qu’Antichrist, Incubus, Butcher, D. D. Crazy (le batteur fou à la crête) deviennent des légendes : ce disque est un concentré de bestialité et de sauvagerie complètement unique, jamais égalé à ce jour. Il reprend la quasi intégralité des titres des démos.
Tout y est complètement culte, entre la couverture mythique illustrée par une photo du groupe posant dans un cimetière en corpse paint, cuir et clous, le son brut de décoffrage, la batterie frénétique blastant presque en permanence avec un léger côté approximatif qui introduit cette nuance chaotique tellement recherchée encore maintenant, les riffs thrashy menés par une énergie punk qu’on a retrouvé depuis chez des groupes comme Morbosidad, les vocaux possédés et bestiaux de Wagner Antichrist.
Ce disque suinte le Mal par tous ses pores, c’est un manifeste de violence débridée à l’état pur. Malgré des compos basiques au possible, la spontanéité de tous les instants prend le dessus et rend la musique complètement addictive.
Le titre éponyme en est sans doute l’exemple le plus édifiant : calibré sur un peu plus de deux minutes, c’est un condensé de l’immense talent de Sarcófago, à la fois ambiancé, noir comme le jais, d’une bestialité hors norme, primitif et pourtant truffé de riffs d’anthologie, avec pour finir des hurlements démoniaques précédant le fameux « Fuck You ! Fuck You ! Fuck You Jesus Christ ! ». Ultime !
I.N.R.I. a fait l’objet de nombreuses rééditions, notamment en 2012 chez Greyhaze avec six titres bonus (les titres du premier split et trois morceaux live d’un concert en Argentine).
Par la suite, Sarcófago va s’orienter vers des territoires plus techniques sur les deux albums Rotted en 1989 et The Laws Of Scourge en 1991. Le groupe se sépare finalement en 2000, laissant un héritage inestimable. La vague black/thrash actuelle leur doit beaucoup.
Wagner Lamounier est aujourd’hui docteur en économie et enseigne dans une faculté au Brésil, la musique n’étant plus qu’un passe-temps pour lui.
Sarcófago demeure une référence incontournable en matière de metal extrême, autant dans l’imagerie que dans la musique. Impossible de passer à côté.
« J’aimerais jouer sur une scène… une scène où tous les gens sont habillés comme Hellhammer ou Sarcófago, avec des pics et des chaînes. » Euronymous (Mayhem)