Le 21 octobre dernier, Marty McFly débarquait dans le futur à bord de la mythique DeLorean. Mais quelques jours auparavant c’est Feu! Chatterton qui nous offrait un voyage dans le temps. Des poètes maudits aux années Gainsbourg en passant par les 60’s, le premier album du quintette parisien nous transporte d’une époque à l’autre, entre vers travaillés et rythmes rock. Si "Retour Vers le Futur" a fait couler de l’encre dans le monde entier, Feu! Chatterton a suscité un emballement médiatique impressionnant en France. Mais cet engouement est-il bien justifié ?
Feu! Chatterton se forme en 2011 avec Arthur au chant, Sébastien et Clément à la guitare et aux claviers - ces trois-là se sont rencontrés il y a dix ans sur les bancs du lycée Louis le Grand à Paris - Antoine à la basse et Raphaël à la batterie. Vingt-sept ans de moyenne d’âge. Après plusieurs EP, des concerts pendant plus d'un an et un passage dans plusieurs festivals dont un remarqué aux Solidays 2015, ils enregistrent leur premier opus en Suède avec le producteur de La Femme. Pour ajouter une dose de romantisme, la formation choisit son nom à partir du tableau d’Henry Wallis, "La Mort De Chatterton", représentant le jeune poète suicidé Thomas Chatterton. Si Chatterton est un symbole pour les romantiques du XIXème siècle, il a aussi inspiré Gainsbourg et Bashung.
Gainsbourg, parlons-en ! On le croirait presque revivre lorsque l’on entend la voix rocailleuse, sensuelle et vibrante d’Arthur sur "Ophélie", le morceau introducteur de l’ensemble. Pourtant, ce retour au français parlé n’est pas nouveau, La Femme et Fauve, dont le combo a assuré plusieurs premières parties, en sont les précurseurs. Mais ici, les paroles sont extrêmement travaillées, poétiques et élégantes ("La Mort Dans La Pinède", "Boeing"). A cela s’ajoute un son rock influencé par Television, Radiohead, Led Zeppelin et David Bowie. Un mélange dont résulte un rock littéraire où Brel et Ferré rencontrent les Talking Heads et les Pink Floyd.
Mais Feu! Chatterton, ce ne sont pas que des belles paroles, chaque composition offre une certaine vision de la société, des joies et des peines de la vie comme sur la magnifique "Harlem". Partir d’une anecdote et la romancer, tel est le point de départ de l'inspiration du groupe. Comme sur "Côte Concorde" qui évoque le naufrage du Costa Concordia et la perte du triple A, sans toutefois montrer un quelconque engagement politique. Si le son est parfois plus électro comme sur l'énergique "La Malinche", l'un des EP sortis en 2014, le reste reste rock et chargé d'un certain spleen. Pour preuve, la mélancolique "Les Camélias", dernière chanson de "Ici Le Jour" et quatrième partie de "Bic Médium", un titre de vingt minutes. Ainsi, les émotions passent avec fluidité à travers cette superbe toile musicale et nous emportent jusque "Au Ciel !".
L’engouement est donc justifié ! Outrepassez vos préjugés, Feu! Chatterton n’est pas réservé qu’aux bobo parisiens-apprentis poètes-névrosés-nicotinés. Non. Feu! Chatterton est un concentré de rock et de poésie produit par de talentueux perfectionnistes. Alors n'hésitez plus, courez écouter ces dandys du XXIème siècle qui nous offrent, avec ce premier effort, un moment de poésie bienvenu, une échappatoire belle et mélancolique.
Chronique RuL