Risible humain
Covid oblige, Nick Cave s'adapte et livre cet album live doublé d'un film qu'on espère, un jour, voir en salles.En investissant Alexandra Palace, Nick Cave s'assume comme le risible humain qu'il est...
le 4 déc. 2023
9 j'aime
Juin 2020. En plein confinement, Nick Cave investissait le prestigieux Alexandra Palace, à Londres, pour y capter une performance seul au piano et sans public, suite au report de sa tournée européenne prévue avec ses légendaires Bad Seeds tout au long du printemps. Ce concert et dispositif unique est la conclusion d’un long processus entamé il y a des années, de sa première déclaration d’amour à cet instrument (sur l’album The Boatman’s Call, en 1997) jusqu’à son Conversation Tour l’an passé, avec ses échanges musicaux se déroulant autour d’un piano. En terme de cinéma, Nick Cave a durant la précédente décennie investi par deux fois le grand écran en tant que sujet principal, par le biais de l’autofiction (20.000 jours sur Terre de Iain Forsyth et Jane Pollard) et du journal intime filmé (One More Time with Feeling d’Andrew Dominik), se penchant tous deux sur les affres d’un artiste en proie à ses doutes dans son rapport à son entourage, son mode de vie, ses créations.
Se voulant comme la conclusion d’une trilogie -tout comme Ghosteen venait compléter une série de disques entamée avec Push The Sky Away et Skeleton Tree-, Idiot Prayer, dans sa version vidéo, ne fût diffusé qu’une seule fois, le 23 juillet 2020 sur internet, en échange d’un ticket permettant l’accès à son visionnage en streaming, avant de conquérir quelques cinémas plus tôt ce mois-ci. Si l’on ignore aujourd’hui si le film sera un jour disponible sur une autre (plate)forme, la captation audio du concert vient, quand à elle, de paraître en support physique et digitale.
D’emblée, l’atmosphère est solennel. Avec Spinning Song, Nick Cave donne à l’ouverture de Ghosteen une dimension poétique aux frontières du sacré, centré sur sa voix et ses paroles sous forme de conte prophétique, à la diction et aux inflexions parfaites, sur fond de cordes mélancoliques bouclées et traitées à la manière d’une piste ambient de William Basinski. Ce titre constituera la seule disgression vis-à-vis de la formule piano-voix du disque, pour un résultat du meilleur effet. Derrière ces vingt-deux chansons couvrant pas moins de dix albums des Bad Seeds et deux de Grinderman (side-project de Nick Cave, représenté ici par Palaces of Montezuma et Man in the Moon) se dévoile une chanson inédite, Euthanasia, aux sublimes fêlures. Les paroles n’ont jamais été si intelligibles que dans cet enregistrement, et le jeu de piano pourtant quelque peu limité de Cave se révèle plus magnétique et intense que jamais. Les rires venant clore (Are You) the One That I’ve Been Waiting For ou les accords violemment plaqués à la fin de Jubilee Street, He Wants You ou Papa Won’t Leave You, Henry viennent alors saisir la facette la plus instinctive et imprévisible du dandy rock, prêcheur des temps modernes et bête de scène notoire. On le connaissait fier, quelque peu narcissique et égocentrique, et on pouvait par conséquent s’attendre un jour à ce que Nick Cave s’illustre un jour en solo.
Pourtant, sans ses mauvaises graines dont le rôle a beaucoup évolué depuis les débuts (et plus particulièrement depuis l’arrivée de Warren Ellis, sorte d’alter-ego de Cave, dans la formation), le crooner livre un somptueux récital bien au delà des attentes qui ne peut laisser de marbre. Un instant hors du temps, hors du monde, où seule prime l’émotion. Et la grâce, toujours.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 6 déc. 2020
Critique lue 167 fois
4 j'aime
D'autres avis sur Idiot Prayer: Nick Cave Alone at Alexandra Palace (Live)
Covid oblige, Nick Cave s'adapte et livre cet album live doublé d'un film qu'on espère, un jour, voir en salles.En investissant Alexandra Palace, Nick Cave s'assume comme le risible humain qu'il est...
le 4 déc. 2023
9 j'aime
Juin 2020. En plein confinement, Nick Cave investissait le prestigieux Alexandra Palace, à Londres, pour y capter une performance seul au piano et sans public, suite au report de sa tournée...
Par
le 6 déc. 2020
4 j'aime
Nick Cave Alone at Alexandra Palace est le plaisir de la semaine. Nick Cave sort Idiot Prayer, un album seul en scène avec son piano enregistré à l’Alexandra Palace de Londres et diffusé sur le web...
Par
le 12 déc. 2020
3 j'aime
Du même critique
Écumer les scènes, faire ses armes dans les pubs, caves et salles de concerts avant de pousser la porte des studios pour enregistrer, vite et bien, un premier album pour repartir illico sur les...
Par
le 18 févr. 2021
12 j'aime
Dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Beth Gibbons, mythique chanteuse de Portishead, pour réunir ces dix morceaux. Co-produit avec James Ford (The Last Shadow Puppets, Simian Disco Mobile) et...
Par
le 17 mai 2024
10 j'aime
2
Si la vie des Swans n’a jamais été un long fleuve tranquille, une forme de paix et de quiétude semble pourtant traverser ses eaux discographiques depuis quelques années maintenant. Non pas que leurs...
Par
le 4 nov. 2023
9 j'aime