Extrait de l' entretien pour le magazine Rolling Stones
"Après avoir parlé de Robert Kennedy , de Jess Unruh et de Ronald Reagan, David Crosby continue :
"le problème auquel nous sommes confrontés, et ça inclut des crimes environnementaux, raciaux, politiques, une totale, écoeurante corruption, et le crime international, qu'est la guerre - tous ces problèmes sont relatifs à une structure de pouvoir qui dirige ce pays.
Un tas de gens qui ont clairement identifié ça, et disent "OK, maintenant on va secouer cette structure de pouvoir par la racine". Hein? Je leur ris au nez. Je ris au nez du SDS et de ces beaux parleurs de gosses révolutionnaires qui se baladent en disant "Je suis un révolutionnaire professionnel". C'est gerbant. Ils n'ont aucune idée de ce que c'est. Ils devraient aller regarder les infos sur ces trois derniers jours à Budapest, et y repenser . Trous de balles. Ils ne savent pas à quoi ils se frottent. Tu ne peux pas convaincre la structure de pouvoir de changer de cap. elle est inextricablement engagée dans son parcours. J'essaie d'expliquer aux gens que ce n'est ni le président, ni le congrès ni les gouverneurs. Ca en a l'air, mais aussi loin que je puisse dire, c'est un système intriqué [interlock] de groupes socio-économiques. Et ils s'imbriquent tous... Il y a ce gars qui fait les transistors pour celui qui fait les radios, pour celui qui fait les avions pour celui qui fait les guerres pour celui qui extrait le tungstène pour le transistor.
It's all interlocking, man, and I don't see how they're going to change the course.
Tout est intriqué, et je ne vois pas comment ils vont changer de route. J'ai dû trouver une phrase pour le décrire. On souffre d' "inertie sociétale". Et on avance - écoute, je vais le réduire aux termes les plus simples qui ont rendu ça clair pour moi : Comment vas-tu les convaincre de fermer les stations essence, que vas-tu faire des pompes? C'est l'inertie. Comment vas-tu convaincre Chevy, Volkswagen, Cadillac, et prendre quatre, dux, douze ans de profits pour les assigner à une autre source d'énergie ?Les hommes qui dirigent ces compagnies ne les possèdent pas. Ils y restent tant qu'ils gagnent. Ils ne peuvent pas prendre cette décision. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas. Ils ne peuvent pas. Ils doivent montrer des profits chaque année ou ils choisiront un autre homme. C'est la vérité. L'environnement peut aller se faire foutre. C'est comme ça que ces compagnies sont dirigées.
Ce n'est pas le seul endroit. Les compagnies pétrolières ne sont pas les criminels majeurs dans ce monde ; elles font partie des criminels majeurs, et cet exemple d'inertie n'est pas le seul. Je parle des 5000 personnes et quelques qui dirigent le monde. J'aimerais voir ces putains de gosses révolutionnaires de la SDS me sortir une liste de leurs noms et adresses. Alors ils me convaincront qu'ils sont sérieux, OK?
(...)
Ca n'arrive même pas avec les Panthers. Et je ne les blâme pas. Ils se sentent dans une sorte de situation du ghetto de Varsovie. Je ne les blâmes pas d'acheter des armes, pas le moins du monde.
Je ne m'aligne avec personne mais je ne les blâme sûrement pas. C'est dur de leur faire oublier combien de gens ont voté pour Wallace. (...) Alors pour revenir aux systèmes intriqués et ce à quoi ils se confrontent, la raison pour laquelle je me sens si désespéré est que je n'ai aucun moyen de communiquer avec eux , ces hommes sans noms. On ne connaît les noms que d'une poignée, et ce sont les prêteurs sur gages, robber barons les barons voleurs, les derniers vestiges d'une génération de millionnaires : Hugues, Getty, Hunt, Kaiser, il en fait encore partie, Ford, Rockefeller."
Ensuite, Crosby explique qu'il a essayé de modifier les valeurs de la génération suivante, celles de leurs enfants.
"Et je ne les ai pas changés. Je leur ai seulement proposé une alternative. D'un côté tu as la guerre, la mort, la dégradation, la soumission, culpabilité, peur , compétition; et d'un autre côté tu as une bande de gens qui se prélassent sur la plage, se baladent au soleil, rient, jouent de la musique, font l'amour et s'éclatent, chantent, dansent, portent des couleurs vives racontent des histoires, se la coulant douce. Un demi-million d'entre eux se sont réunis et n'ont pas rejeté un seul d'entre eux. C'est assez facile. Tu offres l'alternative à un gosse, et le gosse n'est pas encore fou. Il n'a pas eu le temps de devenir fou. Il peut prendre une décision très claire sur ce genre d'alternative. Je pense qu'ls ont probablement perdu la majorité de leurs gosses maintenant. Je ne sais pas , franchement. Je pense que nous allons devoir attendre et voir.
(...) Je ne le limiterais pas au rock n' roll. Les artistes dans tous les domaines ont dit ce que les chanteurs disent maintenant, depuis bien plus longtemps. (...) Le truc avec nous est que nous sommes des artistes de masse, et il n'y a jamais rien eu de tel depuis Gutenberg, et ça n'est pas vraiment arrivé avant d'atteindre la masse électronique. C'est la simultanéité et l'interaction simultanée et en nombre à une très grande échelle. It's far out, man. C'est la différence principale.
C'et tordu, je pourrais avoir tout faux. Nixon pourrait avoir raison, et je suis assez fou pour l'admettre. Mais je ne pense pas. On doit faire ce en quoi on croit. Je pense que tous ces gars ont tort. Je crois que ce qu'ils disent être important ne l'est pas. Maintenant, je crois aussi que tout le monde sous-estime le degré d'inertie. Je crois que ce gros conglomérat de systèmes intriqués, tous suivant ce chemin socio-économique... Je ne crois pas qu'il puisse changer de parcours. Je suis désolé.
- Alors tu ne peux pas t'échapper. Comment ton bateau trouve sa place dans tout ça. A plusieurs reprises en période de crises -mentales - quand les Byrds t'ont viré, quand ta lady Christine est morte - tu as pris le bateau. Alors en un sens il peut y avoir une échappatoire.
- Essaie de comprendre. Les soucis, et la confusion, et la douleur quelquefois - et tout le monde a de la souffrance et de la confusion, je suppose - il n'y a pas moyen de se cacher ou de fuir. On peut seulement travailler à trouver la solution. C'est là que le bateau me vient en aide, car il a une grande beauté, et constance, et sens, à un niveau très, très proche. C'est la grâce et la camaraderie. et toutes ces choses te montent au cerveau.
- Ca te garde aussi très occupé.
- Oui, mais ça travaille sur toi à des niveaux extrêmement élevés. Ce n'est pas seulement la mécanique de te tenir occupé. C'est vraiment, réellement , jusqu'aux plus hauts niveaux, un réarrangement de ta manière de penser. Et ça m'a beaucoup aidé, chaque fois que j'ai dû essayer de me reprendre et décider de la marche à suivre. Je suis comme tout le monde. Je marche et tombe droit au sol, parce que je n'ai pas la solution.
Je n'ai pas choisi le bateau comme une échappatoire. Quand j'ai commencé à vouloir naviguer, j'avais onze ans et demie et je ne pensais pas à la fuite. Mais finalement c'est un bon moyen d'aller ailleurs. Mais la raison pour laquelle je fais ça c'est... J'ai essayé un tas de philosophies, et aucune n'a marché. Alors j'en ai conclu que "si je ne peux pas trouver une éthique générale logique sur laquelle me régler, alors je dois juste faire ce qui me plaît - quels points de conscience étaient les plus élevés, les pics. Et faire ce qui me conduisait là - assidûment." Dieu, naviguer me met dans les états de conscience les plus élevés que j'ai, fait de moi la meilleure personne que je sais pouvoir être. Ca me met au même niveau que faire de la musique, et être high. Ce n'est pas une décision philosophique ou politique. C'est juste moi voulant en profiter. "