Imposter
6.2
Imposter

Album de Dave Gahan et Soulsavers (2021)

Dave Gahan, un Imposter ? Non, évidemment. Mais en intitulant de la sorte ce troisième album en commun avec The Soulsavers – et même si cela se fait de façon un tant soit peu ironique – le chanteur de Depeche Mode et ses acolytes Rich Machin et Ian Glover se mettent immédiatement dans une position déférente face aux œuvres qu’ils ont décidé d’interpréter. Or une bonne reprise est rarement synonyme de courbettes et de révérences ; ce à quoi cède pourtant volontiers Imposter.

Il faut rappeler en préambule que Gahan a clairement des capacités en tant que compositeur : depuis que Martin Gore daigne lui laisser quelques miettes (en général trois chansons par disque depuis le dernier grand disque du trio de Basildon, Playing The Angel), le chanteur anglais n’a jamais démérité. Impression confirmée par deux albums solo fort recommandables. Alors pourquoi se plier à l’exercice a priori peinard et sans grand enjeu du disque de reprises ? Imposter est un aveu déguisé : semblant se satisfaire de son nouveau statut au sein de Depeche Mode, Gahan a depuis longtemps levé le pied au niveau de sa discographie solo (Hourglass date de 2007), comme s’il avait déjà plus ou moins tout purgé, textuellement et musicalement. Pour quelqu’un qui s’est longtemps plaint de ne pas avoir droit au chapitre au sein de Depeche Mode, il y a de quoi être surpris. Alors quoi ? Fallait-il qu’il démontre qu’au-delà de l’incarnation (ce qu’il est fait admirablement depuis quarante ans en chantant les paroles d’un autre sur des mélodies qu’il n’a pas composées) et du songwriting, il est aussi capable d’adapter les chansons chères à son cœur ? Sans doute. Mais alors pourquoi une telle pusillanimité ? Qu’il s’agisse de l’orchestration ou du chant, Imposter reste immuablement sur des rails, et rien ne laisse penser que les chansons d’origine ont été un moment pensées pour être réellement réappropriées. Qu’on pense seulement aux Counterfeit de Martin Gore, où l’électronique et les synthétiseurs, comme la voix de crooner du lutin blond, reflétaient l’univers romantique et désenchanté des compositions de Depeche Mode. Des albums de reprises qui démontraient à quel point l’exercice est avant tout une affaire de style plutôt que de respect (qu’on pense au travail de Max Raabe ou au récent Sciences Politiques de Mendelson).

On était pourtant en droit d’attendre du bad boy Gahan qu’il repousse quelques frontières, qu’il prenne quelques risques inattendus. Soit, c’est avant tout un chanteur, brillant dans tous les registres ; Imposter en est une preuve supplémentaire et c’est bien là son seul intérêt. Mais en l’état, Imposter ne ressemble qu’à un petit disque auto-satisfait : Gahan et The Soulsavers se sont fait plaisir, tant mieux pour eux. Ils savent lire des partitions, n’en doutons pas, tant les mélodies restent dans les clous (sauf peut-être sur la seule vraie surprise, « Metal Heart »). Mais où est le changement de décor, l’énergie un peu sale qui animait Paper Monsters et Hourglass ? Imposter est sans doute la révélation d’un constat un peu tristounet : Gahan ne se hissera sans doute jamais au niveau de son meilleur ennemi Martin Gore. Le Spirit de Depeche Mode, c’est définitivement ce dernier.


Francois-Corda
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Créée

le 24 déc. 2021

Modifiée

le 11 juin 2024

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François Lam

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