Avec sa pochette comico-délirante célébrissime et sa réputation de pierre de touche du prog-rock première génération, "In the Court of the Crimson King" peut-il encore nous toucher, alors que le rock semble depuis longtemps être revenu de tout, et que l'expérimentation musicale a depuis fait des pas de géant ? Il est d'abord indéniable que la poésie "hippie-médiévale" de Pete Sinfield prête largement à sourire, que l'usage systématique du mellotron "date" terriblement, et que certains passages "ambitieux" ("Moonchild") ressemblent surtout désormais à un bidouillage d'amateurs un tantinet perdus, ou au moins auto-complaisants. Mais il y a aussi le redoutable "21st Century Schizoid Man" en ouverture, qui n'est pas loin d'être le meilleur titre de Robert Fripp, avec cette rage froide qui reste toujours aussi saisissante en 2012 ; il y a la beauté profonde de "Epitaph", sans doute l'un des meilleurs morceaux prog-rock jamais écrits (...avec quelques réussites de Van der Graaf quand même...) ; et il y a évidemment la réussite glorieuse, historique, du titre éponyme... même si l'on ne sait plus dire si c'est la qualité de la chanson ou son impact dans l'histoire de la musique qui impressionne désormais le plus. Alors, la réponse est indiscutablement : oui, "In the Court of the Crimson King" reste un album véritablement indispensable, mais aussi émotionnellement marquant. [Critique écrite en 2012]