In the Court of the Crimson King est un chef-d'œuvre. Pourquoi ? Parce qu’en 1969, on n’avait pas l’habitude de ce genre de musique, que ce soit la déferlente créativité de 21 Century Schizoïd Man ou les errances de Moonchild, cet album a redéfini les frontières du rock avec son audace et son innovation.
L'opus s'ouvre avec le morceau emblématique 21st Century Schizoid Man, qui marque au fer rouge l'auditeur désemparé par la voix saturée de Greg Lake scandant des paroles post traumatiques, entre deux riffs magnifiquement teintés de cuivres et soutenus par une batterie virevoltante. Les passages instrumentaux, indescriptibles tant ils sont riches, terminent d’achever le pauvre bougre en train de découvrir King Crimson. Une claque.
L'album contient aussi d’autres pièces, certaines complexes, d’autres atmosphériques qui mettent en valeur la maîtrise musicale et l'expérimentation sonore (presque) réussie du groupe. Pour la pièce complexe, Moonchild va trop loin. Ce long passage musical est trop mou, vide et ennuyeux pour qu’on puisse ressentir autre chose que de l’ennui. Mais King Crimson fera bien mieux par la suite, avec Devil Triangle ou Larks Tongue in Aspic, entre autres.
Pour l’atmosphérique, The Court of the Crimson King réussit, lui, à saisir les émotions. On se laisse volontairement transporter par cette merveilleuse histoire fantaisiste et médiévale, sublimé par les claviers, la voix de Lake et l’ambiance planante du morceau.
I Talk to the Wind fait partie de ces chansons auxquelles je trouve de la qualité, dont je comprends l’amour que certains peuvent lui porter, mais qui, personnellement, m’ennuie. Je décèle une beauté, mais qui ne m’émeut pas, me laisse de marbre.
En revanche, Epitaph est le chef-d’œuvre de l’album. Pendant neuf minutes, je reste pantois, tétanisé, envoûté, paralysé par l’écoute de ce morceau absolument magnifique, mélangeant voix puissante et remplie de dignité, suite d’accords magistrale aux claviers, guitare impeccablement dosée et batterie inexorable le tout au service de paroles prophétiques et sombres, mortifères et poignantes. Que c’est beau putain, que c’est beau !!
In the Court of the Crimson King reste et restera à jamais une référence incontournable dans l'histoire du prog, du rock, de la musique, témoignant de l'audace et du génie musical de King Crimson, groupe trop souvent méprisé, pour le plus grand bonheur des puristes, car sinon il serait souillé de la connerie de la plèbe. Cet album continuera toujours de fasciner les auditeurs capables de jugement anachronique (ou non) par son aura, son contenu impérissable et donc sa capacité à traverser les décennies sans perdre de sa pertinence.
Mythique pour sa pochette, mythique pour la présence du grand Greg Lake au chant, mythique par rapport au titre 21st Century Schizoïd Man, mythique pour son importance dans l’histoire du prog, bref, un album fondamental en tous points.