A écouter In the end, on se demande si c’est bien Dolores O’Riordan qui est passée de vie à trépas, et non ses musiciens. Car si le groupe Irlandais laissait planer un vague espoir quant à son avenir à long terme avec l’honorable Roses (2014), tout s’effondre avec ce soi-disant « hommage » à la chanteuse décédée, qui fait plutôt office de compilation de faces B orchestrée par un backing band un peu rance.
Evidemment, d’aucuns protesteront en affirmant que les compositions sont, comme toujours, signées Noel Hogan (guitariste) ET Dolores O’Riordan. Oui, mais ce sont tout de même « ceux qui restent » qui, un an après le suicide de la chanteuse, ont choisi d’adresser à leur public cet amas de chansons sans queue ni tête, sans cœur ni âme. La complaisance est partout : dans les critiques, d’abord, qui n’ont pas été aussi tendres avec les Cranberries depuis leur petit chef d’œuvre No Need to Argue (1994). A ce compte-là, si les critiques rock jugent In the end comme un bon disque on parierait qu’ils sont désormais tous prêts à revoir leurs copies précédentes sous prétexte qu’une icône un peu borderline des 90’s (souvenons-nous de ses sorties sur l’avortement et la peine de mort) nous a quitté.
Mais la complaisance est surtout du côté des musiciens, bien sûr, qui délivrent ici une pop souvent ringarde, osant les sons de claviers de fête du village, les mélodies les plus prévisibles, les tics les plus rabâchés (arpèges Curesques en baryton, ici ahurissants d’inanité). Tout est permis, tout passe, semblent penser les deux frères Hogan et Fergal Lawler, dès lors que l’on entend le fantôme de Dolores chanter. Et il est vrai que cette femme pouvait être touchée par la grâce, en dépit de ses petites manies qui pouvaient agacer : « Lost », seul morceau de In the end à tirer son épingle du jeu, est là pour le prouver. Mais qui a dit que cette voix pouvait se passer d’un projet derrière elle, autre qu’un petit pré carré musical à défendre, sans aucune autre ambition que de donner la soupe à un public déjà acquis à sa cause ?
In the end a au moins le mérite d’exister pour rappeler que ces disques post mortem sont, d’une manière ou d’une autre, une trahison. Car en passant outre le dernier mot de l’artiste décédé (qui dit qu’O Riordan aurait validé ne serait-ce que l’idée de l’album posthume, sans parler des compositions, ici des maquettes achevées sans son consentement ?), c’est presque toujours de la nostalgie, voire simplement des promesses, que l’on vend ; et trop rarement une collection de chansons réellement achevées, et assumées.